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« Nous avons directement proposé une offre assez unique pour l’époque »

« Kindness matters ». Voilà la signature d’e-mail plutôt évocatrice de Pierre Rousseaux, fondateur du studio de yoga bruxellois, YogaRoom. Lorsque l’on clique dessus, se dévoile la vidéo Youtube de Simon Sinek, auteur de livres sur le management et la motivation, en plein pitch sur l’importance de la bienveillance. Car pour être aujourd’hui un bon entrepreneur, il ne suffit plus d’un business plan solide, de compétences en gestion et en leadership ou encore d’une forte résilience face aux obstacles. Non, il faut refléter une philosophie de vie.

Dans le cas de Pierre Rousseaux, cette philosophie s’incarne dans une discipline vieille de 4 000 ans, qu’il découvre alors qu’il vit à Shanghai. Le jeune diplômé de Solvay ne connaît alors rien au yoga. Au contraire, dans son esprit se bousculent les clichés autour d’une pratique qui serait réservée aux femmes et aux personnes dotées d’une très grande souplesse. « Je me suis bien fait retourner », explique l’homme qui possède désormais 8 studios de yoga à travers la Belgique, la France et le Portugal. En chiffres, ça donne 1,2 millions de réservations par an, soit 25 000 cours donnés par des professionnels venus de 27 pays différents. Si certains y verront une plongée opportuniste dans le business florissant du bien-être et du développement personnel, force est de constater que le nombre de yogis convaincus ne cesse d’augmenter.

De 3 millions d’euros à zéro

« Lorsque je me lance en 2016, la demande pour le yoga est très forte, mais l’offre assez limitée ou inadaptée », explique Pierre. « Nous avons directement proposé une offre assez unique pour l’époque : des cours hyper variés pour tous les âges et tous les niveaux, accessibles 7 jours sur 7, avec des professeurs venus des quatre coins du monde et dans des studios au décor pensé dans les moindres détails ». Le premier studio Rue Defacqz voit le jour grâce à un financement de 500 000€ réunis grâce à un prêt à la banque, un crowdfunding via Spreds et une campagne de préventes. Par chance, le succès est immédiat. Très vite, les choses s’enchaînent avec un deuxième studio à Bruxelles, puis des studios en France, à Paris et Lyon. Jusqu’au 20 mars 2020, où la pandémie entraîne la fermeture totale des studios. « Tout s’effondre d’un coup, tu passes de 3 millions de chiffre d’affaires annuel à zéro », se remémore Pierre.

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La particularité des studios Yoga Room, c’est leur déco pensée dans les moindres détails. © Yoga Room

Surmonter le Covid

Ne reste plus qu’à faire preuve de résilience et de capacité d’adaptation. « On lance un financement participatif pour supporter tous nos professeurs indépendants qui n’avaient plus de revenus. Dans un deuxième temps, on pivote sur un site en ligne de cours de yoga payants. On devient rapidement un gros acteur européen. Cela nous aide à tenir pendant 7 à 8 mois, avant que l’online s’effondre petit à petit, ce qui correspondait à la réouverture de nos studios en juin 2021, une réouverture sous de très fortes contraintes opérationnelles ». À cette époque, ce sont près de trois millions d’euros qui sont « brûlés » en deux ans.

Pour financer les pertes, ils font de nouveau appel au prêt participatif grâce à une vaste levée de fonds. Un véritable challenge en plein Covid et sans perspective de réouverture. Au total,1 million et demi d’euro parvient à être levé. Avec l’aide de Finance Brussels et d’une sérieuse restructuration de la boîte – entraînant une réduction des coûts fixes de près de 60% – YogaRoom parvient à survivre à la crise. « Aujourd’hui, notre chiffre d’affaires annuel a plus que doublé par rapport à l’avant-Covid, atteignant les 7 millions ». Un chiffre qui continue à grimper, faisant de Yoga Room le leader européen de la pratique de yoga.

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Pierre Rousseaux. © YogaRoom

Pourquoi toujours plus de yogis ?

Un succès qui s’explique pour deux raisons selon Pierre. D’abord, le yoga, plus qu’une discipline, est un système de valeurs qui s’articulent autour du respect, de l’empathie, de la gratitude et de la cohérence. Valeurs que l’entrepreneur tente de répercuter dans les affaires. « Il est impossible de vendre un concept avec lequel tu n’es pas complètement aligné. Le business n’est évidemment pas un monde Bisounours, il est fait de contraintes et de calculs. Mais je pense que lorsque tu essaies de coller au plus près de ce qui te semble juste, ça se retourne rarement contre toi ». Bon à savoir, Pierre est certifié instructeur de yoga 200 heures par Pure Yoga Hong Kong et est instructeur de Yoga. Il donne encore 6 à 8 cours par semaine.

Si le yoga connaît un tel engouement, c’est aussi parce qu’il vient panser certains maux de notre époque. « Nous vivons dans un monde en solide transformation, entre défis climatiques, économiques et politiques. Il y a un gros mal-être ambiant. Aussi, cela fait 30 ans que l’on pousse les gens vers une croissance à tout prix, avec des dépressions et des burnouts à la clef. Beaucoup se retrouvent en quête de sens. Le yoga apparait comme un outil, parmi d’autres, pour se recentrer et se reconnecter à soi. C’est une pratique véritablement transformative. »

Pour l’instant, l’entreprise ne souffre pas trop de la concurrence de nouveaux acteurs comme Animo, The Mix… en raison de sa réputation, de sa spécialisation et de son omniprésence physique dans Bruxelles et sa périphérie. L’objectif actuel ? Éponger les dernières dettes du Covid, puis élargir leur gamme de services. Une offre pilates sur le même modèle que celui de yoga devrait voir le jour, avec ces fameux reformers que l’on voit désormais partout.

Pierre Rousseaux. © YogaRoom

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