Une propriété de standing soupçonnée d’appartenir au groupe russe Gazprom a été saisie à Roquebrune-Cap-Martin. D’autres actifs immobiliers sont également dans le viseur de la justice française.
C’est dans le cadre d’une enquête pour blanchiment aggravé ouverte par la juridiction interrégionale économique et financière du parquet de Paris pour des faits commis depuis décembre 2009 à Paris, Chypre, Russie, Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes) qu’apparaît l’actif immobilier de valeur qui vient d’être saisi sur la Côte d’Azur. Confirmant une information diffusée par le quotidien Le Monde, la justice française annonce avoir réalisé une saisie conservatoire de taille, une des plus importantes depuis le début de la guerre en Ukraine.
Gazprom derrière la façade
L’actif immobilier visé est une propriété de trois hectares sise à Roquebrune-Cap-Martin, en front de mer sur la Côte d’Azur. La villa Maria Irina, connue sous le nom de Villa del Mare, est officiellement entre les mains du milliardaire russo-arménien Samvel Karapetyan par l’intermédiaire des sociétés Subville Sarl et Leyson Holdings limited. Mais la Juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco), qui a ouvert une enquête préliminaire pour blanchiment d’argent, doute de cette détention de fait.
Au cours de leurs investigations, les douaniers du Service d’enquêtes judiciaires des finances ont en effet découvert de nombreux éléments démontrant que la villa n’est jamais vraiment sortie du giron de Gazprom Neft, filiale pétrolière du géant gazier russe Gazprom. Celle-ci aurait théoriquement cédé la propriété en 2016 à Samvel Karapetyan, à la tête du groupe Tashir, présent dans les secteurs de l’immobilier, de la construction, de l’énergie ou encore de la finance. L’essor financier de ce dernier s’expliquerait en grande partie par les nombreux contrats obtenus auprès de Gazprom.
Montage financier alambiqué
En traçant les transactions, il s’avère que Samvel Karapetyan a racheté à Gazprom Neft les parts de la société Maritime Villa Holding SNC, propriétaire du bien, grâce à un prêt de 115 millions d’euros accordé par… Gazprombank, filiale bancaire appartenant à Gazprom et à Iouri Kovaltchouk, un proche de Vladimir Poutine. Le prêt a été octroyé par la banque russe en échange de la mise en gage de la villa. D’autres éléments recueillis par la justice tendent à démontrer une « omniprésence constante de Gazprom » derrière la villa, selon une source judiciaire. Notamment, quand on y regarde de plus près, l’interposition, entre Samvel Karapetyan et le bien immobilier, d’actionnaires qui «possédaient (…) tous un point commun, celui d’être liés à la société russe étatique Gazprom».
D’autres actifs immobiliers dans le viseur
La semaine dernière, conformément aux réquisitions du parquet, la villa et les parts sociales de la société détentrice de celle-ci, la SNC Maritime Villa Holding, ont été saisies. Le parquet de Paris a ouvert d’autres enquêtes sur les conditions d’acquisition et de financement de biens pouvant appartenir à des hommes d’affaires russes. La justice a ainsi saisi des biens immobiliers d’Alexander Pumpyansky: des parts sociales de sociétés et des créances relatives à deux domaines viticoles logés dans l’Hérault et le Jura, ainsi que divers terrains à bâtir et des biens immobiliers -dont un chalet sis en Haute-Savoie-, pour un montant total estimé à ce jour à environ 35 millions d’euros au bas mot. Dans une autre enquête, un chalet de luxe logé à Courchevel, évalué à 24 millions d’euros, a également été saisi en septembre 2023. Dans chacun de ces dossiers, les investigations se poursuivent.
(avec Le Monde)