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Sunrise, la start-up namuroise qui est en train de conquérir l’Amérique

On en rêve toutes et tous de ce fameux « sommeil réparateur ». Celui grâce auquel on se lève le matin avec un mélange d’énergie, de calme et de clarté mentale. Notre corps a eu le temps de récupérer, et notre esprit est prêt à affronter la journée, entre motivation et sérénité. 

Un vœu pieux lorsqu’on souffre d’apnée du sommeil et que l’on se réveille 20 à 30 fois par heure. Pour lutter contre cette maladie du sommeil, Laurent Martinot a créé Sunrise avec son frère Pierre. Ce juriste de formation a suivi des études de droit et d’entrepreneuriat à l’UCL, avant de partir un an aux États-Unis faire un Master of Laws en droit des sociétés à l’Université de New York. Il rentre ensuite à Bruxelles et travaille pour un gros cabinet sur des affaires de contentieux. Son oncle, qui possède une entreprise de dispositifs médicaux, lui demande conseil pour régler quelques questions juridiques. Il lui propose finalement de rejoindre l’entreprise qui, après quelques années, passe d’une société familiale wallonne à une entreprise cotée en Bourse. Deux années de négociations avec des partenaires américains l’initient à l’univers du corporate made in USA, forgeant son ambition entrepreneuriale. Avec Pierre, ingénieur et polytechnicien bruxellois, il se lance enfin : idées, prototypes, et surtout cette volonté de créer un dispositif qui change des vies.

Laurent et Pierre Martinot, les fondateurs de Sunrise. ©D.R.

Une personne sur trois dort mal

Le sommeil a toujours fait partie de leur vie. Leur père médecin mesurait le sommeil et rappelait souvent ces trois piliers : manger, bouger, dormir. « Le sommeil est le premier pilier dont dépendent les deux autres. Si tu dors mal, tu n’auras ni l’énergie d’aller à la salle de sport, ni l’envie de manger sain le lendemain », explique Laurent Martinot. Pourtant, 30% de la population adulte dit mal dormir, mais 5% seulement se fait actuellement traiter. « Il n’existe pas de tel équivalent dans la santé », constate-t-il. Pourtant, il a été prouvé que le manque de sommeil entraînait fatigue chronique, troubles de l’humeur, affaiblissement du système immunitaire, risques accrus de maladies cardiovasculaires, diabète et obésité. À long terme, il affecte la mémoire, la concentration et le bien-être global.

Néanmoins, les ennemis du sommeil sont nombreux. Parmi eux, l’apnée du sommeil apparaît comme le grand mal du siècle. Il touche environ un milliard de personnes dans le monde, avec une prévalence croissante due à l’obésité et au vieillissement de la population. Cette affection, marquée par des arrêts respiratoires nocturnes, peut entraîner fatigue chronique, hypertension, maladies cardiovasculaires et accidents de la route liés à la somnolence.

Un petit capteur sur le menton

Seul problème, 80% des personnes qui en souffrent ne sont pas diagnostiquées. Un fardeau économique important pour les systèmes de santé en raison des complications qu’elle génère. Les traitements, comme le CPAP (appareil de ventilation à pression positive), sont efficaces, mais leur accessibilité et leur adoption posent problème. Surtout, les cliniques du sommeil ont du mal à ingérer la demande. C’est ici que Sunrise intervient. « Nous avons lancé une clinique du sommeil digitale où l’on accueille les patients, on passe leur état de santé au crible et on effectue une première consultation en ligne avec un médecin. On envoie ensuite notre capteur à la maison et on engage des traitements si nécessaire », explique Laurent.

Un capteur sur le menton permet de mesurer l’activité cérébrale à travers les mouvements mandibulaires. ©D.R.

L’entreprise a en effet créé un capteur doté d’une intelligence artificielle à coller sur le menton lorsque l’on dort. « Chez les personnes qui souffrent d’apnée du sommeil, le passage de l’air par les voies respiratoires est plus difficile, car les muscles se relâchent, privant l’organisme d’oxygène. Le cerveau, informé de ces perturbations, réagit en contractant les muscles des voies respiratoires supérieures pour rétablir la circulation de l’air. Or, ces muscles sont attachés sur un os mobile, la mandibule. Ces mouvements mandibulaires pilotés par le cerveau sont étudiés en direct par le dispositif Sunrise », explique Laurent.

Simplifier l’expérience

« Pour un patient qui souffre d’apnée du sommeil, le trajet traditionnel en Belgique durera entre trois et six mois dans le meilleur des cas. Désormais, il se réduit à deux semaines », continue-t-il. « Plus besoin d’aller dormir une nuit à l’hôpital avec un masque sur le nez et un tas de machines dans un environnement inconnu. D’ailleurs, on considère qu’une bonne analyse devrait au moins durer trois à cinq nuits. Je pense que c’est l’une des très rares disciplines où le travail est mieux fait à la maison qu’à l’hôpital ».

Une phase d’accélération aux États-Unis

Pour l’instant, Sunrise s’est principalement développé aux États-Unis, mais aussi dans certains pays européens comme la France. En cause ? La Belgique est encore l’un des rares pays qui impose un test à l’hôpital pour se voir prescrire un traitement du syndrome d’apnée (auto-CPAP ou PPC). Outre-Atlantique, les consultations peuvent également se faire à distance alors qu’il existe davantage de limitations chez nous. Finalement, les États-Unis représentent le plus gros marché mondial. « Lorsque 2 euros dans le monde sont dépensés dans la société, 1 euro vient des USA ».

L’objectif ? Devenir la plus grande clinique du sommeil avec des médecins experts du sommeil disponibles tous les jours pour faciliter le parcours et éviter les faux diagnostics. Si le siège social de Sunrise est actuellement situé à Namur et leurs bureaux à Paris, leur première clinique du sommeil s’est installée en Californie, non loin de San Francisco. Leur désir est d’étendre ces cliniques dans les cinquante états américains l’année prochaine. Sachant qu’une partie des coûts est remboursée par la mutuelle là-bas, mais aussi chez nous, tout comme si l’on allait chez un médecin du sommeil traditionnel.

« Nous sommes en pleine phase de croissance, avec plusieurs dizaines de milliers de dispositifs vendus à travers le monde », affirme Laurent. « Nous sommes une soixantaine d’employés actuellement, mais l’entreprise grandit rapidement. On reçoit aussi beaucoup de CV de médecins attirés par le fait de travailler en remote, mais aussi frustrés par la lourdeur du système actuel. « En 2021, nous avons levé 6,5 millions de fond, et 17,5 millions en 2023, avec un investissement complémentaire de 5,5 millions en juillet 2024 grâce à l’entrée dans le capital d’Amazon qui est devenu notre premier investisseur américain. L’apnée du sommeil, c’est un milliard de personnes sur terre, et entre 20 à 48% des personnes de plus de 60 ans, il faut la sortir de l’hôpital ».

Plusieurs dizaines de milliers de dispositifs ont déjà été vendus en Europe et aux États-Unis. ©D.R.

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