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Sonja Rottiers : « La finance, c’est le cœur de l’économie »

Sonja Rottiers est une professionnelle chevronnée de la finance, avec plus de 25 ans d’expérience en tant que cadre supérieure dans le secteur de la banque et de l’assurance. En qualité de présidente du Belgian Finance Center, elle souhaite établir un lien avec la NextGen et redynamiser le BFC. Entretien.

Début 2024, le conseil d’administration du Belgian Finance Center (BFC) vous nomme présidente. Pouvez-vous présenter cette association ?

Fort de 15 ans d’existence, le Belgian Finance Center a principalement renforcé le rôle de la Belgique comme centre financier. Mais bien sûr, le temps n’est pas figé et le paysage financier a beaucoup évolué. C’est pourquoi un comité directeur a défini la nouvelle mission et l’écosystème du BFC. Notre objectif est de rassembler toutes les professions financières : banques et assureurs, mais aussi gestionnaires d’actifs, fonds de capital-investissement, fintech, services publics et sociétés de trading, jusqu’au secteur immobilier. Nous voulons rassembler toutes les parties prenantes, grandes et petites. L’objectif n’est plus tant de promouvoir la Belgique en tant que centre financier, mais d’échanger de nouvelles idées et des visions alternatives sur les questions macroéconomiques, sociales et financières, ainsi que sur les tendances au sein du secteur financier au sens large.

Comment comptez-vous y parvenir concrètement ?

Nous voulons agir comme un coordinateur et nous concentrer sur le réseautage et l’éducation. Ce qui importe à cet égard, c’est l’interaction entre les différents acteurs de cet écosystème. En organisant des conférences et des réunions de haut vol, nous voulons donner à nos membres l’occasion de mieux se connaître et d’aborder les matières sous différents angles. Comme vous le savez, notre pays est très fragmenté. Mais aucun acteur n’est isolé, il fait partie d’un système macroéconomique, sociétal et social.

Les jeunes sont moins attirés par la finance, mais vous vous adressez clairement à eux avec le BFC ?

La NextGen est très importante pour nous. Les diplômés d’aujourd’hui s’orientent plus vite vers les start-up ou la consultance. Le secteur financier a un peu perdu de son attrait. C’est un défi que notre organisation entend relever. Cette promotion du secteur est importante, car il est au cœur de l’économie. Les questions environnementales, sociales et sociétales ne peuvent pas non plus être dissociées de la finance. Nous établissons dès lors des contacts avec des universités et des centres de connaissances afin de toucher la nouvelle génération.

La technologie joue-t-elle un rôle dans cette attractivité ?

La technologie offre de nombreuses opportunités nouvelles. Comme dans tous les secteurs, elle doit trouver sa place dans la finance. Face à la pénurie de talents, il est de plus en plus important de travailler de manière efficace. Si des solutions davantage axées sur les données et soutenues par l’IA peuvent y contribuer, ça libérera du temps pour l’aspect relationnel. La technologie dans tous les sous-domaines du secteur financier peut apporter sa contribution, et ainsi renforcer encore le service au client.

Vous avez consacré votre carrière au secteur financier. D’où vient cet attrait ?

Le système bancaire et la finance m’ont toujours passionnée. C’est pourquoi j’ai étudié l’économie appliquée à l’université d’Anvers, avec une spécialisation en comptabilité et fiscalité. J’ai commencé à travailler au Crédit Communal (l’actuel Belfius) dans le service d’audit interne et de gestion. Plus tard, j’ai évolué vers le secteur des assurances. Cette pluridisciplinarité me plaît. Au-delà de la finance, il y a les aspects juridiques, fiscaux et sociaux. Je suis volontairement restée généraliste. Je ne voulais pas devenir une experte, justement pour continuer à avoir une vision d’ensemble.

La présidence du BFC semble être la cerise sur le gâteau. Y a-t-il des étapes particulières dont vous êtes fière au fil de votre carrière ?

J’ai été active dans différentes entreprises. Toujours dans des contextes différents, mais j’ai toujours aimé y travailler. Ce qui était important pour moi, c’était l’accent mis sur l’inclusion et la diversité. Cela vient de mon éducation. Mes parents nous ont encouragés à poursuivre des études, sans faire de distinction entre mon frère, ma sœur et moi. Au Crédit Communal, il fallait à l’époque passer des examens pour atteindre les postes de direction, et il n’y avait donc pas de distinction hommes-femmes : les chances étaient égales.

« Je suis délibérément restée une généraliste. Je ne voulais pas devenir une experte, justement pour continuer à avoir une vue d’ensemble »

Plus tard, chez AXA, l’inclusion et la diversité dans le cadre d’une approche ESG plus large étaient également très importantes. Nous avons introduit la new way of working, bien avant que chacun ne découvre le travail à domicile lié à la pandémie. Chez Dexia Assurances, j’ai cofondé le premier fonds avec un label Ethibel, à l’époque où l’on parlait des 3P (People, Planet et Profit), donc bien avant qu’il ne soit question d’ESG (label international pour les produits financiers durables, ndlr). On a beau développer une bonne stratégie, ce sont les personnes qui doivent la mettre en œuvre. Cet aspect est particulièrement important pour moi et j’ai eu à cœur de le mettre en avant tout au long de ma carrière.

Vous exercez aujourd’hui plusieurs mandats d’administratrice, notamment pour bpost et Matexi. Ces mêmes critères entrent-ils en ligne de compte dans vos choix ?

Quand on accepte un mandat, il est important qu’il y ait une situation gagnant-gagnant. Les entreprises recherchent souvent des candidats qui ont un peu plus cette fibre financière pour siéger au comité d’audit et de risque, par exemple. Je peux apporter cette expérience. Dans d’autres entreprises, je siège également au comité de nomination et de rémunération compte tenu de mon expérience dans le domaine du capital humain. Pour moi, l’intérêt général de l’entreprise et la création de valeur pour toutes les parties prenantes sont essentiels.

En 2009, vous avez cofondé Woman On Board, qui visait à augmenter le nombre de femmes dans les conseils d’administration. On en est où aujourd’hui ?

Une évolution positive s’est dessinée au fil des ans. Comme toujours, dans les périodes de crise, comme celle du coronavirus, le risque existe que l’attention se relâche un peu. Parce que les priorités se déplacent provisoirement. Cependant, je crois que les progrès réalisés seront permanents. Actuellement, on stagne, mais les choses vont à nouveau s’accélérer. Il suffit d’observer la guerre des talents qui prévaut pour le moment. Aujourd’hui, les femmes diplômées sont plus nombreuses que les hommes. Ce phénomène va se poursuivre. L’important est de maintenir cette question à l’agenda du CEO et du conseil d’administration. Il s’agit surtout d’une question d’éducation et d’un excès de préjugés inconscients. Sur ce point, je suis optimiste. Aujourd’hui, nous voyons de plus en plus de femmes politiques et cheffes d’entreprise, ce qui est un bon signe car ça reflète la composition de notre société. L’acceptation est plus importante, tout comme le vivier dans lequel on puisait pour trouver des femmes.
À l’époque, cette visibilité était un des objectifs pour faire correspondre l’offre et la demande, et j’ose dire que nous y sommes parvenus.

La bio de Sonja Rottiers

Sonja Rottiers est titulaire d’un master en économie appliquée (spécialisation comptabilité et fiscalité) de l’université d’Anvers.

Elle cumule plus de 35 ans d’expérience professionnelle dans le secteur financier. Au cours des dix premières années de sa carrière au Crédit Communal (aujourd’hui Belfius), elle a joué un rôle important dans la professionnalisation du réseau de distribution de détail. Depuis juillet 1999, Sonja a occupé des fonctions de direction générale (niveau C) dans des compagnies d’assurance, principalement en tant que directrice financière (Dexia Insurance et Axa). Elle a également acquis de l’expérience en tant que CEO dans des organisations plus petites.

Elle a endossé sa fonction de direction la plus récente au sein de la filiale européenne de Lloyd’s dont elle a pris les commandes peu de temps après la création de l’entreprise. Son leadership a été essentiel dans la mise en place des activités européennes de Lloyd’s avant et juste après le Brexit.

Aujourd’hui, Sonja Rottiers est administratrice non exécutive de bpost et Matexi et présidente de leur comité d’audit. En tant que présidente du conseil d’administration de PPG (Jab Holding Company) Pinnacle Pet Group, une plateforme paneuropéenne entièrement intégrée d’assurances et de services de santé pour animaux de compagnie, et en tant que conseillère auprès de l’Insurtech DGTAL, elle suit de près la transformation numérique et des données dans le secteur de l’assurance.

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