Empêcher le vieillissement et ses maladies associées de s’installer. Voire faire tourner les aiguilles de l’horloge biologique dans le sens inverse. Des humains tentent d’allonger la vie. De quoi vraiment pouvoir espérer devenir immortels ?
La fontaine de Jouvence, dans la Silicon Valley, nombreux la cherchent. C’est que ces multi-millionnaires et milliardaires, après avoir amassé des fortunes colossales, souhaiteraient avoir le temps d’en profiter. Bryan Johnson est sans conteste celui qui fait le plus parler de lui. En octobre 2021, alors âgé de 44 ans, il lançait Blueprint, projet consacré au ralentissement du vieillissement corporel. Voire à son inversement. Son slogan ? « Don’t die ! » Pas question ici d’expérimentation sur souris : il allait être le propre cobaye de son initiative.
Depuis, une équipe de médecins et de chercheurs planchent à ses côtés pour déterminer les paramètres optimaux de chacun de ses organes. De ces recherches a découlé un protocole quotidien millimétré qu’il suit à la lettre, disponible en open source :
- Levé à 5h30.
- Pesée.
- Plus d’une centaine de gélules à ingérer.
- Luminothérapie.
- Une heure de sport.
- Légumes vapeurs + protéines végétales. Précisément
2 250 calories ingérées chaque jour entre 7 et 11h. - Jeûne.
- Couché à 20h30.
Pour quels résultats ? Le principal intéressé annonce sur son site web avoir inversé son âge biologique de 3 ans.
Au début de son expérimentation, Johnson suscitait de l’intérêt de la part du monde scientifique spécialiste de la longévité. Mais, depuis s’être lancé dans le commerce de nourriture anti-âge estampillée du nom de son projet (qui est désormais une marque) et dans un « essai clinique » doté d’une méthodologie absolument non scientifique avec ses clients, il est sujet de crispation.
Empêcher le vieillissement
Certains pensent même que sa démarche nuit aux travaux sérieux menés de longue haleine, comme ceux réalisés par les équipes d’Eric Verdin. Directeur du Buck Institute for Research on Aging (Etats-Unis), ce scientifique belge planche depuis des années, avec l’aide de ses 300 chercheurs, pour comprendre les mécanismes du vieillissement. Et ce, dans le but de parvenir à éviter l’apparition de maladies pour lesquelles il constitue un facteur de risque majeur : infarctus, AVC, thrombose, glaucome, certains cancers, ostéoporose, diabète de type 2, maladies d’Alzheimer et de Parkinson, sarcopénie et surdité. De quoi permettre d’allonger la vie, peut-être jusqu’à 120 ou 150 ans – qui sont les limites probables de l’enveloppe biologique selon les scientifiques –, et surtout de gagner des années en bonne santé.
« Une des molécules clés dans le vieillissement se nomme NAD+ », explique le professeur Verdin. « Il a été montré que sa concentration baisse lors du vieillissement. Cela se répercute en fatigue, perte de force musculaire, stockage de graisses dans l’abdomen et le foie, dégénérescence cérébrale. Nous travaillons à générer des médicaments capables de rétablir les niveaux de NAD+ d’avant le vieillissement. »
« La pratique du jeûne allongerait la vie »
Certaines molécules déjà sur le marché cristallisent les espoirs. « La metformine est un médicament contre le diabète de type 2, poursuit le scientifique belge. Les diabétiques qui le prennent vivent plus longtemps que les non-diabétiques. Des tests cliniques sont en cours pour vérifier si, avec cette molécule, les non diabétiques voient également leur durée de vie s’allonger. Les résultats ne seront pas connus avant plusieurs années. La rapamycine, un immunosuppresseur initialement utilisé à fortes doses chez les patients transplantés, est une autre molécule à l’étude : lorsque vers, mouches et souris sont soumis à de faibles doses de cette molécule, leur espérance de vie s’accroît. Tant la metformine que la rapamycine miment la restriction de calories. Or, la pratique du jeûne allongerait la vie. »
« Si le progrès continue sur sa lancée, le cancer pourrait être maîtrisé d’ici peu et deviendra alors un détail de l’histoire »
L’éternité façon IA
Chirurgien urologue et entrepreneur, Laurent Alexandre se distingue depuis plus d’une décennie par ses livres et discours sur la possibilité de faire reculer la mort humaine, voire de la tuer, grâce à la technologie. Dans son dernier ouvrage, ChatGPT va nous rendre immortel, le docteur français met en exergue les potentialités de l’intelligence artificielle (IA) pour combattre les maladies. « Notamment les cancers les plus dangereux. Ceux-ci sont d’une telle complexité, que l’analyse génétique permettant de choisir la meilleure chimiothérapie représente quelque 20 000 milliards de données. Seule l’IA est capable de traiter rapidement une telle masse de données. Si le progrès continue sur sa lancée, le cancer pourrait être maîtrisé d’ici peu et deviendra alors un détail de l’histoire, c’est-à-dire une maladie chronique, comme le Sida l’est devenu », dit-il en substance.
Face aux avancées fulgurantes de l’IA, Laurent Alexandre entrevoit deux avenirs : le transhumanisme, c’est-à-dire l’humain augmenté de capacités physiques et mentales lui permettant de rivaliser avec l’IA ; et le posthumanisme, qui s’inscrirait dans la noosphère, à savoir que les humains de chair et d’os seraient finis mais leur esprit, gravé dans des ordinateurs, accèderait à l’éternité dans un monde peuplé de machines. L’immortalité serait à ce prix.
Peter Thiel, le cofondateur de PayPal, serait prêt à le payer. A sa mort, il veut être cryogénisé. Et ce, dans l’espoir, très hypothétique, que des technologies du futur le ramènent à la vie. Ou à une forme de « vie ». Qui nous échappe encore aujourd’hui.