En trois décennies, Patou Nuytemans a évolué d’un poste de stagiaire à celui de CEO EMEA chez Ogilvy. Dans un secteur dominé par les hommes, ce n’est pas sa féminité mais son héritage belge, qui fait obstacle. Dans un monde de la publicité en constante évolution, elle considère le purpose et l’IA comme deux thèmes clés pour 2024.
Patou Nuytemans entame sa carrière dans la publicité après un stage chez Philip Greenfield, le patron d’Ogilvy Direct en Belgique. Après des études d’ingénieur commercial, elle poursuit avec un master en management. « Plusieurs personnes sont venues présenter leur entreprise et j’ai choisi la la plus énergique », raconte Patou Nuytemans. Il y a maintenant trois décennies qu’elle travaille pour Ogilvy, pour qui elle a occupé fonctions différentes sur trois continents et dans six pays.
Héritage belge
Dans un monde dominé par les hommes, comme celui de la publicité, les femmes se sentent parfois mal à l’aise ou se heurtent à des difficultés en raison de leur sexe. Patou Nuytemans souhaite toutefois nuancer quelque peu cet état de fait. Davantage de femmes travaillent dans certaines branches du secteur de la publicité, mais pas toujours en tant que cadres. « Le sexe joue parfois un rôle, certes, mais Ogilvy fait beaucoup d’efforts pour que les femmes accèdent à des postes de direction. Pour elle, le défi réside principalement dans ses origines belges. « Dans une entreprise dirigée par les Américains, on a l’impression que le leadership est principalement réservé aux personnes issues de pays leaders ou de grandes économies ». Patou Nuytemans ne s’attendait donc pas à occuper le poste de CEO de la région EMEA. « J’ai évolué d’un poste de stagiaire à un poste de direction. Peu importe qui vous êtes ou d’où vous venez. Je laisse également transparaître cette représentation dans ma stratégie. »
Style de leadership
Malgré les efforts déployés pour que les femmes accèdent à des postes de direction, des améliorations sont encore possibles, estime Patou Nuytemans. Elle estime que le style de leadership transformationnel, plus féminin, qui met l’accent sur le travail d’équipe et le développement individuel, n’est pas suffisamment reconnu aujourd’hui. « Dans les organisations historiquement dirigées par des hommes, le style de leadership est plutôt transactionnel. On craint que le style de leadership transformationnel ne conduise pas à des résultats immédiats et on l’associe souvent à la faiblesse ou l’émotion ».
Le style de leadership transformationnel vise à soutenir l’individu et l’équipe, tout en recherchant l’excellence. « Il s’agit de comprendre et de diriger l’énergie humaine, tant de l’individu que de l’équipe », explique-t-elle. « Je me considère comme un conducteur d’énergie humaine. « Une agence est une entreprise composée de différents talents. Il faut les faire travailler ensemble, sinon il n’en sortira pas une belle musique ».
Purpose
Lorsqu’elle se projette dans l’avenir, elle voit plusieurs thèmes émerger. Le purpose est l’un d’entre eux. Les entreprises veulent jouer un rôle de premier plan dans la recherche d’un monde meilleur. « Les marques ont un impact considérable, non seulement par le biais de la publicité, mais aussi grâce à leurs produits et services qui touchent les gens tous les jours », explique-t-elle. Elle insiste sur le fait que l’idée d’objectif doit être authentique et conforme à ce que la marque représente. L’année dernière, par exemple, Ogilvy a lancé la campagne « Bread of the Nation », dans le cadre de laquelle la marque de bière sud-africaine Castle Lager utilise les restes de céréales pour fabriquer du pain destiné aux communautés vivant dans la pauvreté. « Cette initiative promeut la qualité des ingrédients sud-africains, mais vise également à favoriser le changement social. C’est un moyen efficace d’intégrer l’objectif dans l’identité de la marque. L’entreprise contribue à rendre le monde meilleur, sans perdre de vue sa capacité à faire des bénéfices.
IA
Elle estime également que l’IA renforcera la créativité et améliorera la productivité, mais souligne la nécessité d’une formation et d’investissements pour en exploiter tout le potentiel. La société mère WPP a déjà indiqué qu’elle investirait trois cents millions de dollars dans l’intelligence artificielle au cours des prochaines années. « Nous avons déjà une plateforme avec des outils d’IA qui augmentent la productivité. Ainsi, ils aident à résumer des documents et des courriels, à générer des informations sur les consommateurs et à créer des moodboards pour les clients. » Ogilvy va même plus loin en utilisant également l’IA pour le développement d’idées créatives. Patou Nuytemans donne l’exemple de La Laitière en France, qui utilise la laitière de Vermeer dans ses campagnes. « Notre équipe a testé DALL-E pour recréer l’environnement de la laitière. Nous avons résumé cela dans une vidéo. De cette manière, les gens se souviennent du logo ».
Entre ces deux extrêmes, on trouve également une IA qui aide à accomplir des tâches liées à la communication et au marketing, telles que la création de contenu, l’atteinte efficace des publics cibles ou l’optimisation des canaux. « L’IA peut certainement jouer un rôle à cet égard, à condition que nous formions les outils d’IA. Cela demande beaucoup de travail et constituera la véritable transformation. »