Sandrine Dixson-Declève a cinq ans lorsque ses parents émigrent en Californie. Co-présidente du Club de Rome, elle parle à l’oreille des leaders pour promouvoir le développement durable, lutter contre les inégalités économiques et les effets du changement climatique. Entre enthousiasme, fierté et déceptions, elle partage son parcours de femme et d’activiste.
Son premier pas dans cet univers se pose en 1988 lors d’un stage à la Commission européenne. « J’étais fascinée par l’Europe. C’était l’époque de l’ECU et d’enthousiasme pour un vrai marché commun. Aux Etats-Unis, c’était les années Reagan. Je pensais que je serais plus heureuse en Europe. »
François Roelants du Vivier, parlementaire belge et européen l’approche pour l’engager dans l’organisation internationale interpartis GLOBE dont il dirige le siège à Bruxelles (Global Legislators Organisation for a Balanced Environment), à l’époque sous leadership international des sénateurs Al Gore et John Kerry. Leur objectif est d’influencer organisations internationales et gouvernements autour du changement climatique, de la pollution de l’air, de l’eau et du sol, la chasse à la baleine,… En 1994, elle accouche de sa première fille et d’un Master en sciences de l’environnement avec distinction. Elle évolue ensuite dans un environnement très masculin, notamment chez Tractebel où elle travaille comme consultante sur le site de Tihange sur les sites contaminés et leurs remédiations. Les années 90 sont clés pour le développement de nouvelles législations « C’était un moment très excitant pour moi en tant que jeune consultante environnementale car j’ai pu contribuer à la création de nos lois fondatrices dès le début sur la chimie, la pollution, les émissions automobile et les carburant propres. »
En 1998, Sandrine Dixson-Declève accepte le rôle de directrice du International Fuel Quality Center basé à Houston et crée le siège international à Bruxelles. A 32 ans, fraîchement mère pour la deuxième fois, elle a comme mission d’influencer les gouvernements de premier plan et les pétroliers pour adopter les normes européennes sur les carburants propres et la qualité de l’air. « Travailler avec les producteurs d’énergie fossile pendant 10 ans m’a permis de mieux comprendre leurs mécanismes, y compris leurs zones d’ombre ».
« Je me suis sentie encore une fois au centre des décisions politiques et industrielles »
Son parcours prend une autre ampleur lorsqu’elle est appelée pour une mission pour le prince de Galles, l’actuel roi Charles. « Cette offre m’a offert une renaissance intellectuelle et activiste. Il dirigeait ces travaux sur le développement durable avec beaucoup d’ambition, de grâce et d’humilité et m’a demandé de lancer avec lui le Cambridge Institute for Sustainability Leadership (CISL). C’était des années extraordinaires où j’étais en paix avec mes convictions et je me suis sentie encore une fois au centre des décisions politiques et industrielles. »
En 2016, elle reçoit une offre pour travailler aux Nations Unies. « C’était un rêve d’enfance qui devenait réalité. Je les voyais comme les grands sauveurs du monde. J’ai très vite déchanté, l’ambiance était toxique. » S’ensuit un état de burn-out. Entre ménopause et le décès de sa mère, la désillusion mène à une perte de sens et de confiance. « Mon environnement proche a été précieux. Amour et nature m’ont remise sur le bon chemin! ».
En 2018, le Club de Rome fête ses 50 ans lorsque se constitue un nouveau comité pour se revitaliser. « J’étais déjà membre avec la philosophie de traduire la connaissance en action et j’ai été poussée à la présidence par des membres. Avec l’élection de Mamphela Ramphele (70 ans, Sud-Africaine et veuve de Steve Biko) nous sommes devenues les premières femmes présidentes. J’ai mis en place cinq ‘impacts hubs’ autour de l’économie, la finance, l’urgence planétaire, la jeunesse, la nouvelle civilisation. On avait besoin de renouveler le membership, d’attirer plus de jeunes et de membres du Sud. »
Y a-t-il un lien entre son leadership en tant que co-présidence et les nouveaux membres qu’ils attirent? « Il est difficile pour moi de répondre à cette question car rien ne se construit seul et j’essaie de vivre ma vie avec beaucoup d’humilité. Mais on me le dit souvent que c’est le cas. »
Œuvrer pour le climat demande une dose de ténacité et d’optimisme. L’est-elle toujours? « Il y a un an, je vous aurais répondu que oui. Le Pacte Européen de l’Environnement n’était pas sous les attaques d’aujourd’hui, les pétroliers ne persistaient pas dans l’énergie fossile et nos politiciens n’avaient pas encore démontré leurs impuissances face à la droite radicale. Je comprends la peur du changement, mais pas le manque de courage. Ça me révolte, m’attriste et me déçoit à la fois. »
« Mes grands-pères résistants ont démontré l’importance de se battre pour le projet européen, de la solidarité et de la démocratie. »
Son histoire familiale conte le courage de grands-pères résistants, dont l’un d’eux survivant des camps de concentration et l’autre l’un des premiers fonctionnaires de la Commission européenne. « Ils ont démontré l’importance de se battre pour le projet européen, de la solidarité et de la démocratie. »
Elle insiste sur l’honnêteté qu’on doit avoir en tant que femme pour faire évoluer les normes « Mon travail sur l’analyse des sols contaminés a conduit à une fausse couche » témoigne-t-elle. « Lorsque j’ai été défendre mon projet de commission pour l’environnement à l’OMC (Organisation mondiale du commerce), j’ai pris ma fille avec moi car je l’allaitais. Il faut démystifier et parler de ce qui a du sens », affirme-t-elle en nous confiant ses mésaventures. « Plus on arrive à mettre sur table la complexité de nos challenges en tant qu’être humain avec honnêteté, humilité et humanité, plus on arrivera à solutionner la problématique humaine du 21e siècle. »