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Myriam Broeders : « Les femmes doivent plus se mettre en avant »

« Appelez-moi Myriam », prononce une voix enjouée de l’autre côté de l’écran, à quelque 7 881 kilomètres d’ici. Myriam Broeders vit à Redmond, dans l’État de Washington. Elle travaille au siège de Microsoft depuis le mois de mars. Elle est également réserviste et Leading ICT Lady 2024. Entretien.

Quelle fonction occupez-vous chez Microsoft ?

Myriam Broeders : Je suis Global MTC Enablement Lead et je m’occupe principalement de la stratégie, de l’assistance et des conseils aux centres technologiques Microsoft. Nous disposons d’un MTC (Microsoft Technology Center) dans 40 pays. L’objectif est d’aider dans leur approche les gros clients : quelques grands noms de la finance, de l’industrie, de l’énergie, mais aussi certains gouvernements. La technologie évolue à la vitesse de l’éclair et les clients se posent des questions sur ce que cette technologie peut leur apporter. Pensez aux processus métier, à l’IA, à la sécurité et à la durabilité. Nous les aidons à naviguer dans la transformation et la numérisation.

En Belgique, vous étiez Chief Technology Officer. Ce déménagement aux États-Unis, c’est un peu la cerise sur le gâteau ?

C’est une excellente décision, mais je la considère davantage comme un point de départ que comme le moment culminant de ma carrière. J’espère avant tout continuer à m’épanouir ici, tant sur le plan professionnel que personnel. J’ai grandi dans une région rurale du Limbourg, où toute la famille vivait à quelques rues d’intervalle. C’était très agréable d’aller et venir à pied chez les uns et les autres. Maintenant que je suis si loin, j’ai l’impression que je dois aussi me réinventer un peu.

Comment se passe l’adaptation ?

Ça n’a pas été sans difficultés. Je suis arrivée ici le 16 mars avec un aller simple. Je pensais que tout serait à peu près pareil, mais il s’avère que ce n’est pas le cas. Il y a beaucoup de choses à régler. Par exemple, j’ai dû passer un examen de conduite théorique et pratique, car il faut obtenir un permis de conduire local dans les 30 jours. Mon appartement se trouve à 15 minutes du siège. J’ai des collègues très sympathiques et je m’amuse bien. Je me surprends parfois à me promener en arborant un large sourire. (Rires)

Après avoir étudié l’économie appliquée, vous n’étiez pas spécialement destinée à travailler dans le secteur technologique ?

Non, c’est vrai. J’avais même l’ambition de travailler dans le secteur des ressources humaines, dans le sillage de mon engagement dans un cercle d’étudiants où j’étais responsable des nouveaux membres. Malheureusement, ma formation ne pouvait pas déboucher sur ce type de job. J’ai fini par travailler au service d’assistance d’une start-up anversoise active dans la fintech. Nous étions neuf et chacun faisait donc tout. J’y ai beaucoup appris sur les données et le SQL (langage de programmation, Structured Query Language, ndlr). J’ai ensuite rejoint IBM, où mon travail comprenait l’écriture de scripts et le débogage. Puis j’ai atterri chez SD Worx, où je suis passée par plusieurs fonctions. Un de mes collègues est parti chez Microsoft. Un jour, il m’a appelée en me disant que mon profil les intéressait. Huit jours plus tard, je signais mon contrat. C’était il y a huit ans. La culture du Growth Mindset défendue par Microsoft, qui consiste à être curieux et à toujours apprendre, me convient très bien.

« La société belge ne parvient pas encore à orienter suffisamment de filles vers les filières STEM »

Le paysage des TIC est encore trop souvent un bastion masculin. Comment voyez-vous cette évolution ?

Au sein de Microsoft, la diversité et l’inclusivité font l’objet d’un vaste mouvement depuis un certain temps. C’est en quelque sorte inscrit dans notre ADN. Bien entendu, aux États-Unis, cette question déchaîne les passions depuis un moment, les directives américaines dans ce domaine étant parfois difficiles à mettre en place localement dans d’autres pays ou sur d’autres continents. Mais là aussi, on observe aujourd’hui une évolution remarquable. Ce que je constate, c’est que la société belge ne parvient pas encore à orienter suffisamment de filles vers les filières STEM. D’autres pays font mieux à cet égard. À mon avis, les femmes elles-mêmes devraient aussi oser se mettre un peu plus en avant. Je pense qu’il est important, pour toutes les parties prenantes, d’oser nommer les choses. C’est pourquoi je pense que le coaching est fondamental, et je veux rester accessible pour les jeunes en Belgique. Je veux aussi rester en contact avec ce qui se passe ici dans l’industrie et l’enseignement.

Qu’attendez-vous de la révolution technologique opérée par l’IA, par exemple?

Je suis nuancée. D’un côté, bien sûr, je suis très sensible aux avantages de l’intelligence artificielle. Je l’utilise au quotidien, et grâce à elle nous avons accès à beaucoup d’informations plus rapidement. Même ma mère, qui aura bientôt 80 ans, a recours à l’IA tous les jours. Par exemple, elle utilise Microsoft Copilot pour demander la recette d’une confiture de groseilles. Même à plus grande échelle, pour les entreprises, les applications sont considérables. L’IA constitue également un outil important en matière de cybersécurité. Elle peut aider les organisations à renforcer leur sécurité. Les signaux d’alerte sont détectés plus rapidement et, grâce à la réponse aux incidents, on peut évaluer plus rapidement ce qui ne va pas. Auparavant, il fallait parfois attendre plusieurs jours pour détecter une cyberattaque en cours. Avec l’IA, il est possible de le faire en quelques heures.

D’un autre côté, l’IA peut bien sûr avoir des répercussions moins positives. Il y a peu, j’ai été frappée par un slogan exhibé lors d’une manifestation : « Si vous ne pouvez pas faire de l’IA de manière responsable, alors ne faites pas d’IA du tout ». Le soir, en rentrant chez moi, j’ai observé le comportement erratique des conducteurs dans les embouteillages. J’ai pensé : « Si vous ne pouvez pas conduire de manière responsable, ne conduisez pas du tout ». En fait, c’est vrai pour tout : il faut agir de façon responsable dans tous les domaines. Et la technologie ne fait pas exception. »

Vous êtes également réserviste dans l’armée belge et active au sein du Cyber Command. Comment en êtes-vous arrivée là ?

Petite fille, je rêvais de devenir pilote, comme mon parrain, qui était pilote dans l’armée. Lorsque j’ai dû porter des lunettes à 13 ans, cette ambition s’est évanouie. Mais elle ne m’a jamais vraiment quittée. Au cours d’une longue promenade à vélo entre Malines et Louvain pendant le Covid, un homme m’a fait remarquer que je ne roulais pas bien. Nous avons échangé quelques mots et j’ai compris qu’il faisait partie des forces armées. Il m’a parlé d’un cycle de formation dans le domaine de la défense, auquel je me suis inscrite. On y côtoie des officiers supérieurs et des civils et on y apprend, entre autres, la géopolitique. C’est fascinant. Dans le cadre de ce cursus, on m’a demandé si je voulais intégrer le Cyber Command. Je fais partie de l’équipe Innovation, où je contribue à la réflexion sur ce que peut faire, par exemple, l’IA. 

Leading ICT Lady

Le 14 mars, Myriam Broeders a été nommée Leading ICT Lady de l’année 2024. Pour octroyer ce prix, Data News recherche une femme qui excelle dans le leadership au sein du vaste secteur technologique. Une figure qui puisse inspirer les autres, faire avancer tout le monde dans la même direction, une force motrice favorable au changement, ayant accompli de grandes choses. Et bien évidemment, une personne qui s’efforce de créer un écosystème TIC diversifié, fondé sur l’égalité des genres.

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