2023 fera date dans les annales du marché des bureaux luxembourgeois par sa faiblesse inhabituelle. Poussés par les challenges ESG*, les propriétaires doivent se réinventer ou mourir.
JLL, un des leaders internationaux en immobilier d’entreprise, vient de dresser le bilan de l’année 2023 pour le marché des bureaux à Luxembourg et pour l’investissement en immobilier. Et le constat des chiffres est sans appel: le recul est inédit par rapport aux années précédentes. «C’est indéniable, l’année dernière a enregistré une activité inhabituellement faiblarde de la part des occupants, particulièrement lents à se décider», avoue Emna Rekik, Country Lead et Head of Markets chez JLL Luxembourg.
Ainsi, alors que 2022 avait déjà été une année compliquée, 2023 affiche un nouveau recul de la prise en occupation qui chute de -17%, avec seulement 176.000 m² de prise en occupation. Le nombre de transactions signées -172 seulement- est en chute encore plus nette avec un recul de -31% sur base annuelle. A l’échelle européenne, la vacance locative à Luxembourg reste néanmoins très raisonnable, la moyenne étant de 7,7%.
Transactions majeures
Les «usual suspects» que sont les services aux entreprises et les institutions financières ont contribué respectivement à 30% et 23%, des niveaux légèrement supérieurs à 2022. L’Union européenne, restée inactive en 2022, a quant à elle représenté 17% du total.
Parmi les quelques transactions significatives, on peut relever l’acquisition pour occupation propre par KPMG d’une partie du site (31.000 m²) ayant hébergé le QG historique de BGL BNP Paribas sur le plateau du Kirchberg. Le redéveloppement mixte de l’ensemble (55.658 m²) réparti sur un site unique de plus de trois hectares sera porté par BPI Real Estate (groupe CFE). On ajoutera également le feu vert du Parlement Européen pour la dernière phase (30.000 m²) de son nouvel immeuble Konrad Adenauer. Mais ce déménagement est prévu de longue date et n’est donc pas représentatif du marché en 2023.
Du neuf et rien d’autre
« Un des grands enseignements de l’année écoulée -mais ce constat est d’application depuis longtemps et n’est pas près de s’arrêter- est que ce sont essentiellement les biens neufs de moins de 5 ans et les projets en cours qui remportent le plus de succès», insiste Jonathan Morand, directeur du département bureaux chez JLL Luxembourg.
2/3 de la prise en occupation récente est constituée de biens neufs et les critères de durabilité -et même la neutralité carbone- sont désormais la norme. Pour répondre à cette demande ciblée, les livraisons spéculatives ont augmenté de 50% sur base annuelle (53.078 m²). Et fait notoire, la plupart des livraisons dans les quartiers centraux sont en grande partie prélouées.
Marché de l’investissement au plus bas
Le marché de l’investissement est lui aussi au plus bas sur 10 ans. Sur les douze mois écoulés, le volume transactionnel est estimé à 531 millions d’euros, soit un recul de -39% en base annuelle. Mais si l’on compare avec le reste de l’Europe où les volumes se sont effondrés de 50%, le Luxembourg fait un peu mieux que ses voisins.
Près de 80% de transactions d’acquisition ont été effectuées pour usage propre. «Les multiples relèvements des taux d’intérêt par la Banque Centrale Européenne en 2022 et 2023 ont augmenté les coûts de financement à des niveaux qui n’avaient plus été vus depuis plus de 10 ans», explique Pierre-Paul Verelst, à la tête du département Recherche de JLL Belux. «Les investisseurs ont par ailleurs diversifié leur portefeuille en augmentant la part des obligations dont le rendement est désormais satisfaisant et en réduisant proportionnellement la part des actifs immobiliers», ajoute-il.
Perte de valeur inédite
Ainsi à Luxembourg, les rendements des bureaux «prime» sont passés de 3,9% fin 2022 à 4,75% fin 2023, ce qui a eu pour effet direct pervers de réduire de -28% en deux ans à peine les prix de vente des immeubles de bureaux concernés. Fort heureusement, avec une probable baisse des taux confirmée pour l’été prochain, 2024 s’annonce sous de meilleurs auspices. Les analystes espèrent donc une reprise tant au niveau des volumes que des rendements.
* L’investissement durable ou environnemental, social et de gouvernance (ESG) prend en compte des facteurs au-delà de l’analyse financière traditionnelle. Cette approche peut limiter les investissements disponibles et conduire à des performances et des expositions différentes.