Les activités traditionnelles de Blackstone dans le domaine des fonds de rachat institutionnels, avec 641 milliards de dollars d’actifs, restent un moteur puissant. Cependant, deux autres activités sont à l’origine de la majeure partie de la nouvelle croissance.
La forte hausse des taux d’intérêt au cours des deux dernières années, associée à un recul des prêts bancaires, a créé un boom du crédit privé ou des prêts directs non bancaires. En septembre, Blackstone a regroupé ses activités de crédit et d’assurance et s’est employé à attirer des clients du secteur de l’assurance, longtemps habitués à investir dans des obligations cotées en bourse. Ses actifs s’élèvent aujourd’hui à 319 milliards de dollars.
« Pourquoi une compagnie d’assurance-vie qui a des engagements sur 30 ans paie-t-elle autant les liquidités alors qu’elle se contente de conserver l’obligation jusqu’à son échéance ? » demande Gray, faisant référence aux coûts des obligations du marché public, y compris les frais de souscription et des agences de notation.
« L’une des tendances majeures est la migration du crédit d’une classe d’actifs purement liquides vers une classe qui aura une part minoritaire substantielle dans les placements privés ».
Blackstone propose aux assureurs des emprunts de qualité à des rendements supérieurs de 150 points de base à ceux d’obligations similaires. « L’une des mégatendances est la migration du crédit d’une classe d’actifs purement liquides vers une classe qui aura une part minoritaire substantielle dans les fonds privés », explique Jonathan Gray. Selon l‘Association nationale des commissaires d’assurance, rien qu’aux États-Unis, les assureurs détenaient plus de 5 000 milliards de dollars d’obligations à la fin de l’année 2022.
Qu’est-ce qu’une « minorité substantielle » ? Gray estime qu’il s’agit de 20 %. « Il s’agira d’un phénomène mondial », affirme-t-il. « Il se produira ici, il se produira partout ».
L’autre moteur de croissance sur lequel Blackstone mise vient des clients investisseurs fortunés des gestionnaires de patrimoine à travers le monde. Déjà 240 milliards de dollars, soit près d’un quart, des actifs de Blackstone proviennent des investisseurs particuliers, augmentant à un taux de croissance annuel composé de plus de 30%.
C’est là où l’autre innovation de Gray, lesdits « perpetuals », vont jouer un rôle essentiel. Vers 2015, Gray se penche sur les possibilités offertes aux particuliers désireux d’investir dans des immeubles et d’autres biens immobiliers commerciaux de qualité institutionnelle. En dehors des propriétés ponctuelles risquées, ils pouvaient investir dans des REIT (Real estate investment trust) volatiles cotées en bourse ou des REIT privées non cotées, relativement illiquides, qui manquaient de transparence et comportaient des frais initiaux élevés allant jusqu’à 12 %.
« Notre idée était la suivante : que se passerait-il si nous apportions à Blackstone les meilleures compétences en matière d’immobilier et que nous facturions pratiquement ce que vous facturez aux investisseurs institutionnels ? », explique Gray. En 2017, il lance Blackstone Real Estate Income Trust (BREIT), un produit similaire à un fonds commun de placement pour les courtiers, qui avait un minimum de 2 500 dollars et facturait des frais de conseil de 1,25 %, une commission de performance de 12,5 % et un taux de rendement minimal de 5 %. Contrairement aux fonds de capital-investissement traditionnels, il n’y avait pas de prélèvements ni d’échéances, et le capital des investisseurs était immédiatement mis à profit. Autre caractéristique favorable aux investisseurs : au moment de la déclaration d’impôts, ces fonds fournissaient des relevés 1099 au lieu des relevés K-1 fournis aux commanditaires, considérés comme gênants. L’inconvénient est que les rachats sont limités à 2 % des actifs nets par mois ou à 5 % par trimestre.
L’invention de Jonathan Gray fait un tabac auprès courtiers tels que Merrill Lynch, Morgan Stanley et UBS, qui ajoutent leurs propres frais de vente. En 2021, les actifs de BREIT, qui possède des appartements pour étudiants, des centres de données et des entrepôts, atteignent 70 milliards de dollars. Puis, lorsque les marchés chutent en 2022, une vague de demandes de rachat de la part d’investisseurs nerveux contraint Blackstone à limiter les retraits, et les actifs tombent à 61 milliards de dollars. Gray insiste sur le fait que BREIT fonctionne comme prévu et note qu’en incluant les dividendes mensuels, il enregistre un taux de rendement annuel d’environ 11 %.
Le succès du BREIT donne naissance au Blackstone Private Credit Fund (BCRED), lancé en 2021 et dont les actifs s’élèvent aujourd’hui à 29 milliards de dollars. Les concurrents de Blackstone, notamment Apollo et KKR, sont également de la partie. On estime que plus de 1 200 milliards de dollars ont été investis dans des produits perpétuels.
« Nous sommes passés de la distribution de nos fonds de retrait à une gamme complète de fonds ouverts », explique Joan Solotar, responsable du patrimoine privé mondial de Blackstone. « Ils vous permettent d’être sur le marché tous les jours, plutôt que de manière épisodique tous les deux ans. »
Les fonds perpétuels Blackstone ne sont pas réservés aux particuliers fortunés. Les institutions les apprécient également. Blackstone Infrastructure Partners (BIP) possède 32 milliards de dollars d’actifs, tandis que Blackstone Property Partners compte 66 milliards de dollars.
Ne pensez pas une seule minute que Blackstone fait du neuf avec du vieux. Les perpétuelles sont en train de changer le modèle opérationnel même de Blackstone.
La société a récemment lancé le Blackstone Private Equity Strategies Fund (BXPE), qui essentiellement constitué de ses activités de rachat d’entreprises originales, présentées sous la forme d’un fonds destiné aux investisseurs individuels. Au début du mois de janvier, BXPE avait rapporté 1,3 milliard de dollars.
« Nous aurons tout le temps une série de ces nouveaux produits « , s’exclame Schwarzman. « Les distributeurs ont environ 2 % d’alternatives et ils veulent que leur base de clients atteigne 10 à 15 %. Il s’agit donc d’un autre de ces domaines à croissance potentielle explosive où nous sommes positionnés en tant que première entreprise au monde. »
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