À défaut de pouvoir classer, en Belgique, les créatrices de contenu par leurs revenus, il est possible de les répertorier selon leur influence sur les trois réseaux sociaux les plus impactants aujourd’hui : TikTok, Instagram et YouTube.
Sa présentation sur Linkedin est aussi limpide qu’emblématique. « Créatrice de contenu sur les réseaux sociaux depuis quatre ans, je partage quotidiennement du contenu divertissant, humoristique et ‘lifestyle’ créé avec mon compagnon. Nous sommes suivis par plus de 3 millions de personnes sur TikTok, 600 000 sur YouTube et 290 000 sur Instagram. Je collabore avec diverses marques pour lesquelles je produis du contenu publicitaire. En parallèle, diplômée d’un master en communication à l’Université de Liège, j’ai créé ma propre agence de communication digitale ». Bref, Malicia Merciny est « influenceuse », gagne de l’argent par ce biais-là et a un boulot par ailleurs. En France, elle ne ferait donc pas partie des 24 % des influenceurs/euses s’y consacrant à temps plein, comme le relève l’agence de marketing d’influence Reech dans son étude Les influenceurs & les marques, publiée au début de cette année.
Pour quels revenus ? Question simple et évidente mais réponse floue et compliquée. Parce qu’elle dépend des pays, des plateformes, des individus, du nombre d’abonné(e)s, de leur taux d’engagement – les like et les partages – et des contrats avec les marques. La variable « individus » renvoie aux nuances qu’embrasse le terme « influenceur/influenceuse » : ainsi, si l’on s’en réfère à l’édition 2024 du Top 200 des Belges les plus influents sur les réseaux sociaux, sortie mi-avril et réalisée par les agences de marketing d’influence BeInfluence et Favikon, l’ancien footballeur Eden Hazard est premier, les Diables rouges Kevin De Bruyne, Thibaut Courtois et Michy Batshuayi se plaçant respectivement deuxième, quatrième et cinquième. Angèle pointe juste après, Stromae arrivant en treizième position et Jean-Claude Van Damme en quatorzième. Cela, sur la base du nombre de leurs abonnés sur TikTok, Instagram et YouTube et de l’écho que reçoivent leurs publications.
Mais ces ténors-là, tempère Mateusz Kukulka, expert des réseaux sociaux, « sont suivis pour ce qu’ils sont, pas pour ce qu’ils génèrent sur leur compte. Il faut les distinguer des créateurs/trices de contenu, qui captent via leurs publications, pas via leur notoriété ». Et selon ce critère-là, dans le classement BeInfluence/Favikon, l’influenceur belge le plus influent est… une influenceuse : Céline Dept (24 ans), de Bredene, troisième au ranking mixte, qui comptabilise 29,1 millions d’abonné(e)s sur YouTube, 14,4 millions sur TikTok et 1,3 million sur Instagram, grâce surtout à ses vidéos avec des stars du foot mondial. Une autre néerlandophone (de Melsbroek) occupe la deuxième place : Stien Edlund (23 ans et septième au classement unisexe), révélée par ses posts de voyage.
Le succès grandissant, toutes deux ont monté leur propre boîte et créé ou rejoint une chaîne de télé, s’ouvrant aussi à d’autres terrains d’exploitation (danse, lifestyle, mode…). « Ce qui rend difficile, voire impossible, l’estimation de leurs gains en tant que créatrices de contenu », reprend Mateusz Kukulka. « Parce que leur activité engendre désormais des revenus de différents ordres : présentation d’émission, ligne de vêtements, produits dérivés, livres, etc. » Outre que, avance Jérôme Buono, team leader talent manager chez BeInfluence, « nous signons des clauses très strictes qui nous empêchent de divulguer des montants ». Ceux des contrats commerciaux, sur lesquels l’agence prend 10 %.
Parmi les talents, comme on définit désormais celles et ceux qui émergent de la masse, représentés par l’agence, la Bruxelloise Shauna Dewit (25 ans), troisième au classement féminin et propulsée en télé (RTL-TVI, Pickx+, W9), bientôt au cinéma (dans un film d’horreur) et comme ambassadrice de plusieurs marques, de mode notamment, à la suite de l’engouement pour ses vidéos où elle se met en scène, au quotidien, de façon « véri trash », pour reprendre son anglais volontairement malmené par un accent improbable. « On a travaillé pour diversifier ses activités », explique Jérôme Buono. « Pour la conseiller sur son image, son positionnement, pour la glamouriser sur Instagram, ce qui l’a faite devenir ambassadrice Caudalie, Nespresso, Kipling et Etam, entre autres. On l’a encouragée, comme on le fait avec tous nos talents qui gagnent plus de 60 000 euros par an, à monter son entreprise. Et on négocie les termes des partenariats commerciaux. »
« La vraie rétribution via contrat dépend de plusieurs paramètres »
Ces contrats qui sont « pour 80 % des talents qu’on représente, la source principale de revenus, puisqu’ils/elles ne sont pas payé(e)s par les plateformes, à part Google/YouTube, qui prélève sur la pub accompagnant la vidéo, ce qui fait entre 800 et 2 000 euros selon les mois. Mais, la vraie rétribution via contrat dépend de plusieurs paramètres : le réseau sur lequel le talent est le plus impactant, le projet, le marché… On n’aura pas les mêmes tarifs aux Etats-Unis qu’ici. Ni pour une heure ou une journée de tournage. On peut avoir un one-shot ou une marque qui dispose de 25 000 euros, souhaite trois moments-clés dans l’année avec Shauna et la faire devenir son ambassadrice sur les réseaux. Il n’y a pas deux situations analogues ». C’est l’une des règles de base de la creator economy belge.
Le top 10 des créatrices belges de contenu
Ce top 10 a été établi selon le top 200 des influenceurs 2024 de Belnfluence et Favikon.
- Céline Dept
- Stien Edlund
- Shauna Dewit
- Aline Dessine
- Malicia Merciny
- Cattleya Sita
- Nella Rose
- Charlène Van Werveke
- Lufy
- Oli et Monday
Cet article a été rédigé en juin 2024. Les chiffres sont susceptibles d’avoir évolué depuis.