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Léa Bayekula, 30 under 30: « Avant, j’étais Léa l’handicapée, aujourd’hui, je suis Léa l’athlète »

En quelques années, Léa Bayekula s’est imposée comme l’une des sprinteuses les plus talentueuses de sa génération dans la catégorie T54 pour les athlètes en fauteuil roulant. Atteinte de spina bifida, elle a découvert l’athlétisme à 16 ans après avoir pratiqué le basket en fauteuil. En 2021, elle remporte la médaille de bronze sur le 100 m lors des Championnats d’Europe. En 2024, elle remporte lors des Jeux paralympiques de Paris sa première médaille d’or sur le 100 m, suivie d’une seconde médaille d’or et d’un nouveau record du monde sur le 400 m. Autant de performances qui lui ont permis de recevoir récemment le trophée de la meilleure performance féminine lors des Paralympic Sport Awards belges.
Son sport n’était pas très connu en Belgique jusqu’il y a peu mais ses performances lui ont donné une médiatisation et un grand boost de popularité, dont l’athlète se réjouit pleinement. En dehors des pistes, Léa est une ambassadrice auprès de plusieurs secteurs et s’engage en faveur d’une société plus inclusive. Son objectif? Devenir l’athlète handisport la plus performante du monde! 
A quel âge avez-vous commencé le sport ? 
J’ai commencé à l’âge de quinze ans, avec d’abord le basket avant de basculer vers l’athlétisme à mes 18 ans. Petit à petit, j’ai évolué dans mon statut de sportive jusqu’à obtenir celui d’athlète de haut niveau. Avec cela, les entraînements ont beaucoup évolué et je m’entraîne plus intensément aujourd’hui.
C’est quoi le rythme type d’une sportive de haut niveau?
Ma semaine est faite d’entraînements sur la piste et de séances de musculation. Je m’entraîne tous les jours sauf les mercredi après-midi, samedi après-midi et dimanche. Et entre tous ces entraînements, je case également des séances de psy, de coaching mental, de kiné et des siestes, qui sont super importantes pour la récupération. Sans compter aussi les événements auxquels je participe ou les interviews avec la presse.
Votre statut de sportive de haut niveau vous permet-il de gagner votre vie ?
Je ne peux pas dire que je gagne ma vie qu’avec le sport, non.
Mais comment faites-vous alors pour joindre les deux bouts avec tous ces entraînements et ces moments de récupération? 
En tant que personne à mobilité réduite, il faut savoir que je reçois des subsides. Il y a des sponsors qui essaient de nous aider aussi au mieux. Et puis il y a la fédération qui nous aide s’il faut acheter ou financer du matériel. Après, ils ne peuvent pas tout faire. C’est pour ça qu’on est toujours à la recherche de sponsors, parce que, financièrement, toute seule, c’est un peu compliqué. Or le sport que j’ai choisi est très cher et on ne fait qu’acheter et encore acheter pour être plus performant. Mon matériel tout entier pour le fauteuil roulant peut aller jusqu’à 12.000 euros!
Un athlète paralympique est-il aujourd’hui bien aidé et encadré par sa fédération ?
Oui, il y a un bon encadrement de la part de la Ligue handisport francophone. Ils nous aident du mieux qu’ils peuvent en termes de matériel, de financement pour les voyages afin de participer aux compétitions. L’encadrement est super bon, mais ils ne peuvent pas tout donner à 100% parce que je ne suis pas seule à avoir besoin de leur soutien. C’est pour cela qu’on va chercher des sponsors individuellement.
Votre titre paralympique a-t-il changé l’approche que les sponsors ont avec vous ? 
Honnêtement, je dirais non. J’ai certes été invitée par un sponsor après les Jeux pour participer à un grand tournage qui a eu une énorme visibilité dans le monde entier et a permis de faire savoir ce qu’est le sport en fauteuil. Mais je n’ai pas eu de sponsors qui m’ont approchée. J’espère tout de même pouvoir en avoir un pour mes vêtements de sport car, comme je vous l’ai dit, on investit beaucoup et on priorise surtout le matériel.
Avec six mois de recul, vous attendiez-vous à ces deux titres paralympiques l’été dernier? Avez-vous été surprise de votre performance?
Durant la longue préparation, je n’ai livré que de bonnes prestations, battant même des records. Dès lors, je me suis dit qu’il y avait de l’espoir et j’ai persévéré dans cette voie. J’ai ensuite battu le record du monde sur 400 mètres. Mais je savais aussi que ce n’était pas maintenant qu’il fallait performer le mieux, mais bien aux Jeux.
Vous êtes donc arrivée conquérante à Paris…
Voilà, ça annonçait déjà la couleur et je savais que tout le monde me regardait. Mais, tout au long de ma préparation, j’ai essayé de banaliser, même si ce n’est pas le bon mot, les Jeux, qui étaient juste une compétition de plus à mes yeux. Je me suis mise dans ma bulle en partant en stage au Portugal juste avant, avec mon équipe et d’autres athlètes. On formait une vraie petite famille. L’arrivée à Paris, dans un tout autre environnement, a en revanche été très compliquée pour moi. Mais je savais que c’était là que je devais le mieux performer.
Qu’est ce que ces deux titres paralympiques ont changé pour vous?
Je dirais que cela m’a débloqué beaucoup de portes, de choses que l’on me refusait auparavant. Aujourd’hui, on m’accepte car je suis championne paralympique, car j’ai fait honneur au pays, car j’ai gagné. Les gens me reconnaissent, me disent bonjour, sont respectueux. Leur regard a changé et est devenu admiratif. Avant, j’étais Léa l’handicapée, aujourd’hui je suis Léa l’athlète.
Et le prix Forbes 30 under 30 dans tout cela, comment l’avez-vous perçu?
Pour moi, c’est déjà une victoire et un honneur. Je n’ai en effet jamais vu un athlète atteint d’un handicap recevoir un prix Forbes. Cela veut dire que l’on s’ouvre à l’inclusion et à la compréhension du monde du sport, tout simplement. C’est aussi une grande victoire pour le sport paralympique en fait. Je suis tellement contente car mon but, c’est de donner plus de visibilité au monde paralympique, de montrer que oui, j’ai un handicap. Et alors?! Je fais du sport et je me bats pour mes performances. Je veux montrer que la pitié n’a pas de place dans le sport. C’est aussi donner du courage aux parents qui n’ont plus d’espoir pour leurs enfants, c’est montrer qu’il ou elle peut se surpasser et qu’il n’y a pas de crainte ni de peur à avoir.
Lors de la cérémonie des Forbes 30 under 30, vous avez eu droit à une longue standing ovation lorsque vous êtes montée sur scène pour recevoir votre prix. Votre discours a été marquant et vous y avez laissé entendre très clairement que Paris 2024 n’était pas un aboutissement pour vous, loin de là…
La suite, c’est Los Angeles dans quatre ans. Mais il faut y aller étape par étape, sans se mettre de stress et se projeter trop loin alors que ça ne sert à rien. Plein de choses peuvent se passer d’ici là. Mais je sais aussi que toutes les compétitions que je vais commencer à partir de 2025 vont compter pour 2028. Donc il faut toujours se donner à fond. Pour en revenir à la soirée, j’étais très émue de ce moment car c’est la première fois qu’on honorait comme cela une personne à mobilité réduite, athlète paralympique et noire. Je suis tellement fière d’être la première femme belge en fauteuil à avoir gagné la médaille. Pour moi, ce fut un moment hyper fort parce que les gens s’ouvrent enfin à moi.

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