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La N-VA et le Vlaams Belang en passe de franchir le Rubicon?

Le 9 juin 2024, il faudra jouer cartes sur table. La N-VA et le Vlaams Belang disposeront-ils d’une majorité en Flandre, comme le prédisent les sondages, quelle que soit leur valeur ? Une majorité parlementaire de nationalistes flamands constituerait une étape importante dans l’histoire de la Belgique. Quant à savoir s’ils formeront une coalition, c’est une autre histoire. À vous d’en juger.

La N-VA et le Vlaams Belang s’allieront-ils si une coalition est possible mathématiquement ? C’est la question par excellence qui pimente à ces élections.

« Tant la N-VA que le Vlaams Belang plaident en faveur de l’indépendance de la Flandre, mais ils empruntent une voie très différente pour y parvenir. »

Outre l’aspect mathématique, c’est tout l’échiquier politique qui est en jeu. Si les deux partis forment une coalition au nord du pays, aucun parti francophone n’acceptera de faire une alliance avec la N-VA au sein d’un gouvernement fédéral. La N-VA se priverait donc d’un accès au fédéral. Mais intrinsèquement, le fossé entre la N-VA et le Vlaams Belang est plus profond qu’on se l’imagine généralement. Nous avons comparé plusieurs de leurs points de vue sur la base des déclarations de leurs chefs de file, mais aussi de la Manifesto Project Database, la base de données des programmes politiques et des performances électorales, compilée par le projet MARPOR, acronyme de Manifesto Research on Political Representation. L’ampleur des divergences entre les deux partis ressort clairement. Pour gouverner, il faut faire des compromis, mais on peut se demander jusqu’où ils sont prêts à aller.

L’indépendance flamande

Oui, tant la N-VA que le Vlaams Belang plaident en faveur de l’indépendance de la Flandre. Ils empruntent toutefois une voie très différente pour y parvenir. Ces dernières années, le Vlaams Belang a radicalisé sa position et prône désormais une déclaration de souveraineté du Parlement flamand, suivie d’une période de négociation avec la Wallonie. Le parti espère aboutir à un traité de scission, comme lors de la dissolution de la Tchécoslovaquie. Un projet irréalisable dans la pratique selon les constitutionnalistes. Du moins pas sans organiser un modèle de conflit, car l’indépendance ne peut être proclamée de manière unilatérale.

Le président de la N-VA, Bart De Wever, rêve également d’une Flandre indépendante, mais souhaite prendre des mesures institutionnelles au Parlement fédéral, en collaboration avec le PS. La N-VA vise ainsi le modèle du confédéralisme, très différent du séparatisme.

La migration

La N-VA et le Vlaams Belang plaident, tout comme la plupart des partis centristes, en faveur d’une approche plus stricte de la migration. Pour la N-VA, celle-ci devrait de préférence être mise en place au niveau européen. De plus, elle défend une immigration active, qui consiste à déterminer les profils dont notre société a besoin en matière de connaissances et d’emploi. Les procédures visant à permettre aux profils techniques hautement qualifiés ou recherchés à l’échelle internationale d’accéder à notre marché du travail doivent être simplifiées et accélérées. La N-VA a donc revu, ces dernières années, sa position sur la migration économique pour faire face aux pénuries d’emploi et contrer l’impact du vieillissement. Selon elle, il faudrait également faciliter l’accès des étudiants étrangers dans nos universités et hautes écoles à notre marché du travail. Une manière de récolter les fruits économiques de nos investissements dans l’enseignement. Le Vlaams Belang y est totalement opposé. « Assouplir (davantage) la migration économique pour résoudre les pénuries sur notre marché du travail est une vision qui profite à court terme à un certain patronat, certes, mais dont les charges finissent par être supportées par la société. » Il n’en reste pas moins que de nombreux aspects de la politique migratoire sont liés à des règles et accords internationaux.

La prospérité

Votre prospérité sera l’enjeu des élections. La N-VA met en avant quatre thèmes qui sont au cœur de sa campagne : un budget sous contrôle, un État providence juste, une diminution d’impôts et des investissements dans l’innovation. L’enjeu repose principalement sur la classe moyenne flamande active et entrepreneuriale.

Le Vlaams Belang prône aussi, en priorité, une réduction drastique des charges qui pèsent sur le travail afin de le rendre plus rémunérateur. Pour ce faire, il envisage notamment de supprimer la cotisation spéciale de la sécurité sociale et de porter la part exemptée d’impôts au niveau du revenu d’intégration. Cependant, la faisabilité budgétaire n’est pas concluante.

Les programmes des deux partis semblent conciliables, mais le diable se cache dans les détails.
Par exemple, la N-VA souhaite réviser le système d’indexation automatique des salaires, pour évoluer vers un système de fixation annuelle ou biennale des salaires, par secteur et en fonction de nombreux facteurs tels que la situation chez nos voisins. Pour le Vlaams Belang, il est hors de question de toucher à l’indexation.

L’économie

Sur le thème de l’économie, les deux partis suivent à première vue un schéma assez similaire. La N-VA se situe clairement plus à droite du centre. Le Vlaams Belang adopte généralement une position centrale, avec parfois des écarts vers la gauche. Elle parle d’une « économie de marché socialement corrigée ». Le parti plaide pour des taxes à l’importation, ce qui ne va pas de soi dans une économie ouverte comme la nôtre. La N-VA plaide pour un terrain de jeu équitable au niveau européen. De plus, le Vlaams Belang aspire à des recettes de gauche, telles qu’une augmentation du salaire minimum, un impôt sur la fortune, un doublement du congé parental et un salaire à temps partiel pour les parents au foyer. Lors des récentes manifestations du secteur agricole, le Vlaams Belang a délibérément pris le parti des agriculteurs, s’opposant frontalement à la N-VA. Une position qui s’inscrit dans la volonté d’ancrer une série de secteurs stratégiques comme l’agriculture, mais aussi l’énergie, la technologie ou les banques, en les soustrayant au libre fonctionnement du marché. La N-VA soutient une économie de marché libre, aux antipodes de cette vision.

Les autorités

Faire plus avec moins, c’est la devise de la N-VA. L’efficacité est cruciale si le gouvernement veut se désendetter et lutter contre les déficits budgétaires. La N-VA préconise une simplification administrative poussée. L’efficacité passe aussi par une réduction du nombre de niveaux de pouvoir, non seulement entre la Flandre et le fédéral, mais aussi au gouvernement flamand et au niveau des communes flamandes. Les provinces passent donc à la trappe.

Le Vlaams Belang est sur la même longueur d’onde. Selon lui, la prolifération des institutions gouvernementales doit être fortement limitée, simplifiée et rationalisée. Un appareil gouvernemental dégraissé, économe mais puissant en fait également partie, nécessitant une nouvelle vision de la fonction publique. Le Vlaams Belang s’oppose en outre aux nominations politiques de (hauts) fonctionnaires. Il s’oppose aussi à la privatisation des missions essentielles du gouvernement, telles que les services publics. Une position qui entre en conflit avec la vision de la N-VA qui, en tant que parti au pouvoir, a placé de nombreux mandataires à divers postes de haut niveau et cherché à développer davantage de partenariats public-privé.

L’Europe

La N-VA se présente, selon ses propres mots, comme un parti euro-réaliste. Elle plaide en faveur d’une coopération européenne réalisable, soutenue par les citoyens. L’UE est le niveau politique réservé aux défis qui sont trop grands à l’échelle d’un pays. La N-VA ne se prononce pas pour plus ou moins d’Europe. Chaque proposition politique doit être évaluée en fonction de ses mérites, mais toujours en gardant à l’esprit sa subsidiarité et sa valeur ajoutée. L’UE peut intervenir à condition de proposer une politique plus efficace que chaque État membre individuellement.

« Les programmes des deux partis semblent conciliables, mais le diable se cache dans les détails. »

La N-VA souhaite un renforcement de l’Europe pour plus d’emplois, plus de sécurité et une meilleure politique migratoire. Le marché intérieur et l’euro ne nous ont pas laissés les mains vides. En outre, le niveau européen est bien placé pour lutter contre le terrorisme, la traite des êtres humains et la cybercriminalité.

Pour le Vlaams Belang, l’Union européenne s’est transformée en un super-État européen, qui s’approprie toujours plus de compétences dévolues originellement aux États membres et met souvent à mal les décisions démocratiques des peuples européens.

Le parti estime aussi que l’UE coûte beaucoup plus à la Flandre qu’elle ne lui rapporte. « Pour garder en vie un euro coûteux et inopérant, l’UE veut s’inspirer du modèle belge des transferts financiers. En plus d’être la vache à lait de la Belgique et de la Wallonie, la Flandre doit aussi pourvoir aux milliards d’euros nécessaires à l’UE et aux pays du Sud de l’Europe. »

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