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Le double combat d’Hortense de Castries

On a beau être fils ou fille de, on n’en est pas moins égal devant la mort brutale. Hortense de Castries et son mari, Jean-Baptiste, en ont fait la triste expérience récemment. Avant de rebondir pour conjurer le sort. Le leur et surtout celui des autres.

Les pommes, tout comme les noix, ne tombent pas loin de l’arbre chez les Castries. La trentaine, diplômée de l’EDHEC Business School, Hortense n’en est plus, comme son père, l’homme d’affaires Henri de Castries, à sa première expérience professionnelle originale. 

Avant de se consacrer entièrement à la filière noix en mettant au goût du jour le domaine familial angevin, elle a multiplié les expériences à l’étranger, notamment au Maroc (Benslimane), au cœur d’un domaine agricole de près de 1.000 hectares appartenant à une famille saoudienne très célèbre.

De l’Anjou à la Belgique

« Un potentiel unique, mais à valoriser. Du terroir originel aux produits dérivés, actuellement démultipliés avec des partenaires ou encore dans les cartons ». C’est ainsi qu’elle décrivait il y a deux ans la noyeraie familiale de 20 hectares reprise à bras le corps en 2018, plantée en majeure partie par son grand-père dans les années ’70 et entretenue ensuite par sa mère. La jeune entrepreneuse a, depuis, franchi la frontière belge et ajouté
20 hectares plantés du côté de Grand-Leez (Gembloux) en s’associant avec Eric Loise, qui a lui-même planté ses noyers sur des terres familiales il y a maintenant plus de 15 ans. Ensemble, ils ont fondé la marque nOk. 

Le coup de pouce du conjoint belge

C’est son mariage avec Jean-Baptiste Van Ex qui l’a fait déplacer sa matrice privée et professionnelle en banlieue bruxelloise. Et pour atteindre son objectif, Hortense s’est laissée convaincre par son mari belge, fondateur et CEO du fonds d’investissement immobilier Vicinity Affordable Housing Fund, de miser rapidement sur une filière diversifiée de produits transformés à valeur ajoutée. Sans pour autant négliger le produit de base et investir dans sa récolte, son tri, son séchage, son calibrage, son stockage, son cassage et sa distribution en circuit court et en flux tendu, garantie d’une fraîcheur inégalée. 

©DR

« Je veux rendre à la noix d’ici ses lettres de noblesse »

« Souvent, quand on leur parle de noix, les gens font la grimace et vous disent que le produit en coque ou en cerneau auquel ils ont accès dans les rayons est décevant, rance souvent, sec parfois. Je veux rendre à la noix d’ici ses lettres de noblesse et favoriser le circuit court et frais », promet-elle. Et elle prendra, assure-t-elle, le temps qu’il faudra pour valoriser ce magnifique produit de A à Z et pour concurrencer par la qualité produite chez nous les noix venues d’ailleurs – principalement de Moldavie, des Etats-Unis ou encore du Chili.  Dès le départ, la jeune entrepreneuse a pu compter sur le soutien des enseignes Rob,  färm, Traiteur Villa Lorraine pour distribuer ses produits à base de noix, ainsi que sur les conseils précieux d’entrepreneurs avisés dans le secteur alimentaire tels que Jos Linkens (ancien CEO de Neuhaus).

En parallèle de la gamme de produits, elle a multiplié depuis trois ans -avec succès- des partenariats ciblés avec des transformateurs belges de renom, comme l’artisan chocolatier Laurent Gerbaud, de nombreux  restaurants dont Tero et Barge, la boulangerie Khobz, Jacq’s ou encore les Tartes de Françoise. Plusieurs autres partenariats ont aussi été signés à l’étranger : au Luxembourg avec l’enseigne culinaire Cocottes ou en France avec les Boucheries Nivernaises, Beillevaire et, tout récemment, avec la Maison du Mochi à Paris. 

Enfin, elle a commencé à réunir plusieurs producteurs en Belgique et en France auxquels elle achète les noix à un prix juste. « Nous les choisissons pour la qualité de leurs noix, leurs valeurs et pour répondre à la demande grandissante. Cela nous permet de proposer des noix, cerneaux et produits gourmands aux noix bio, locales et surtout équitables ! ». Le projet gère maintenant presque une centaine de tonnes de noix.

Turbulences dans la coque familiale

Un accident privé – la mort de Maximilien, son deuxième enfant nouveau-né – aurait pu couper définitivement les ailes à la jeune entrepreneuse. Mais c’était sans compter sur son insoupçonné instinct de survie et sur le soutien de ses proches. Passée la peine atroce, plutôt que se noyer dans son chagrin et se replier sur elle-même, Hortense a trouvé non seulement le courage de redonner rapidement la vie à deux reprises, mais aussi le besoin de s’investir dans la lutte contre les maladies génétiques. 

Avec son mari et avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin, ils ont récemment fondé GENeHOPE, un fonds dédié à la recherche appliquée contre les maladies génétiques infantiles, présidé par Jacques van Rijckevorsel, le président du conseil d’administration des Cliniques Saint Luc et de Cofinimmo. 

Une histoire de femmes d’exception

L’objectif de ce fonds est d’encourager un partenariat étroit entre huit centres d’expertise belges spécialisés et la référence française en la matière, l’Institut Imagine (Hôpital Necker), pour promouvoir et accélérer de concert la recherche médicale ciblée via un comité d’experts transfrontalier co-présidé par les professeurs Anne De Paepe et Corinne Antignac.

C’est Michèle Sioen, la CEO de Sioen Industries, qui est la présidente du Comité de soutien du fonds GENeHOPE. 

« Les maladies génétiques
sont la première cause
de
mortalité chez les enfants dans les pays développés »

« On ne s’en rend souvent compte que lorsqu’on est touché dans sa chair, mais les maladies génétiques sont la première cause de mortalité chez les enfants dans les pays développés. Il en existe 8.000 répertoriées, sans traitement pour 85% d’entre elles. Et près de 30 millions de personnes en souffrent pour l’instant rien qu’en Europe. Ensemble, nous souhaitons braquer le projecteur sur ce mal trop méconnu et rapidement pousser les limites de la recherche au bénéfice des patients et de leurs familles », promet Hortense de Castries.

Parmi les premiers soutiens ayant répondu à l’appel, on trouve nombre de donateurs privés; mais aussi les entreprises Interparking, Montea, AXA Belgique, Rothschild & Co ou Van Breda qui ont ouvert d’emblée la voie aux autres, attendus en nombre. Il y a urgence : chaque jour, rien qu’en Belgique et en France, près de 75 enfants naissent atteints d’une des maladies génétiques que GENeHOPE a pour ambition de mieux faire connaître et combattre.

Trois questions à Michèle Sioen, présidente du Comité de soutien de GENeHope

Quels sont les enjeux, objectifs et raisons de votre engagement aux côtés d’Hortense de Castries?

Suite à l’invitation lancée par Hortense et Jean-Baptiste, je me suis rendue compte de l’effet désastreux et démesuré trop méconnu qu’avaient les maladies génétiques aujourd’hui dans le monde. Elles touchent actuellement un million d’enfants à travers le monde. Il m’a semblé évident que je devais soutenir leur initiative afin de les aider à mon niveau à faire bouger les lignes, a fortiori dans nos pays où la recherche est en pointe.

Vous êtes professionnellement très active, mais vous trouvez encore le temps pour vous engager hors de l’entreprise familiale?

Prendre ce temps nourrit mon équilibre personnel. J’ai la chance énorme d’avoir pu choisir de faire ce que je fais. Mais j’ai également besoin de me ressourcer dans des sorties culturelles, artistiques ou sociales; y compris, comme à l’instant où je vous parle, en gardant mes petits-enfants. La vie m’a donné énormément. Je constate aussi, plus égoïstement, que cela m’apporte autant que je donne et que je reçois énormément en retour en rencontrant des gens formidables. C’est un réel win-win, y compris pour diriger avec le recul et la distance nécessaires l’entreprise familiale.

Cette manière de penser et de diriger n’est-elle pas particulièrement l’apanage des femmes?

Je ne pense pas. Heureusement, il y a de plus en plus de femmes remarquables qui accèdent aux postes de direction. Je pense juste qu’elles sont complémentaires des hommes et que le nombre croissant aidant elles motiveront les générations suivantes à s’engager en nombre.

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