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L’Amérique de Delvaux à Paris

Fashion Week, Paris. Place Vendôme, Delvaux exposait avec les Musées Royaux la fresque The Americans, créée pour l’Exposition universelle de 1958.

En 1958, pour l’Exposition universelle, le pavillon américain passe commande à Saul Steinberg d’une fresque de 70 mètres. À l’époque, ce Juif devenu américain a fui sa Roumanie natale puis son Italie d’adoption en 1932, pour les États-Unis. Vu comme un caricaturiste et un dessinateur de presse, il ne jouit pas encore de sa future reconnaissance internationale. Pendant l’Exposition, le magazine Vogue organise des défilés de mode avec sa fresque de Steinberg pour décor.

Pour cette même Exposition, l’industriel Philips a commandé son pavillon à Le Corbusier, assisté d’un autre Roumain d’origine, le compositeur Iannis Xenakis, devenu puis réfugié en France dès 1947. Le « Philips » proposait un spectacle sur une musique d’Edgar Varèse. Jean-Marc Loubier, PDG de Delvaux, rappelle que le sac Brillant, modèle-star de la marque, créé lors de cette exposition, s’inspirait pour ses plis savants de l’architecture du « Philips « , un grand origami.

Place Vendôme. Hôtel d’Évreux. Les salons du premier étage se sont mués en élégant palais de glace. Les trois panneaux de la fresque de Saul Steinberg, restaurés par les Musées royaux des beaux-arts de Belgique grâce au soutien de la maison de luxe, renaissent sous les lambris. Ils traversent les salons comme Saul Steinberg traversait l’Amérique de part en part : de New York au du Midwest, de la Floride au Texas et à la Californie. Le premier affiche la scène newyorkaise, mélange de comics, de West Side Story et de Manhattan Transfer de John dos Passos. Une image parfaite pour le magazine The New Yorker qu’il illustra pendant soixante ans.

Propagandiste, caricaturiste, illustrateur, graphiste, muraliste, dessinateur de mode et de publicité, scénographe, artiste de galerie, Steinberg marie la vieille Europe avec son travail du lettrage, si cher à Magritte et les phylactères des cartoons américains. Et chez Delvaux, la lettre est emblématique : tous les sacs du maroquinier sont griffés d’un « D » qui compose poignées et fermoirs de tant de modèles. La boucle est bouclée…

Kim Oosterlinck © Hatim Kaghat

Kim Oosterlinck, directeur des Musées Royaux, rappelle : « C’est le regard transversal sur l’Amérique d’un émigré européen qui a fui l’Europe et restitue l’Amérique aux Européens. Après l’Exposition universelle, l’œuvre était promise à la destruction. Les Musées royaux l’ont acquise, l’ont exposée en 2007, et en 2013 au Musée Ludwig, à Cologne. Delvaux nous a permis de restaurer trois panneaux, réalisés dans des papiers très fragiles, aux encres acides. Ils seront exposés à nouveau chez nous cette année. Exposer la totalité des huit reste difficile, en raison de la dimension de l’œuvre.»

Durant la Fashion Week, Delvaux a reçu invités, acheteurs, clients, partenaires, employés. La maison emploie neuf-cents personnes dans trois ateliers belges, deux ateliers français et 60 boutiques dans le monde (six en Belgique), toutes inspirées des principes des arts décoratifs, avec un mobilier de qualité muséale. Depuis son rachat en 2011 pour le compte de Fung Brands Limited (qui l’a revendue au Suisse Richemont en 2021), Jean-Marc Loubier est passé de 10 boutiques en Belgique, zéro à l’étranger, à 54 à Paris, Milan, Rome, Londres, New York, Corée, Chine, Japon, Hong Kong, Dubaï, Riyad, et récemment Bangkok.

En 2011, 97% du chiffre d’affaires étaient belges. En 2025, c’est 85% hors Belgique.

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