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La startup belge SkySun lève 16,8M€. Un futur champion européen ?

La startup belge SkySun, spécialisée dans l’énergie solaire, annonce avoir levé 16,8 millions d’euros pour accélérer son expansion, notamment en France. Ce tour de table a réuni Andera Partners, un fond d’infrastructure français, et Wallonie Entreprendre. Retour sur le parcours d’une startup belge qui se rêve désormais en géant européen.

Fondée en 2017, SkySun tirait initialement parti du système de certificats verts bruxellois, permettant aux propriétaires d’installations solaires de recevoir des subsides conséquents en échange de l’électricité produite. Ce modèle avantageux lui permettait d’installer gratuitement des centrales photovoltaïques sur les toitures de ses clients, ne se rémunérant que via ces incitants publics. « Le gouvernement offrait ces certificats sous forme de subside, pouvant aller jusqu’à 260 ou 280 euros par mégawattheure. C’était considérable ! », se souvient Léopold Coppieters, cofondateur avec Arthur Dawans, de SkySun. Mais la réduction progressive de ces aides – divisées par quatre au fil des ans – a contraint l’entreprise à repenser son modèle et à élargir son horizon stratégique.

Léopold Coppieters © SkySun

Le dernier grand projet de SkySun à bénéficier du mécanisme fiscal des certificats verts est Solar Market, projet emblématique inauguré en 2021 sur les abattoirs d’Anderlecht. Présentée comme la plus grande installation photovoltaïque urbaine et architecturale d’Europe, cette réalisation a démontré la capacité de SkySun à conjuguer innovation technologique et respect du patrimoine, ouvrant la voie à d’autres projets d’envergure. « Ce projet a marqué un tournant en termes de visibilité pour nous. Il nous a permis d’attirer l’attention sur notre savoir-faire (notamment ce profilé Zinclink, conçu en interne pour ne rien sacrifier à l’esthétique des toitures historiques en zinc) et de débloquer d’autres opportunités, notamment avec AG Real Estate », explique Léopold Coppieters.

Solar Market, la plus grande installation photovoltaïque urbaine et architecturale d’Europe, installée sur les toits du bâtiment classé des abattoirs d’Anderlecht © SkySun

Pourtant, cette montée en puissance a été contrariée par des obstacles structurels, notamment l’échec de l’appel d’offres pour la solarisation du Cinquantenaire, victime d’un retard administratif. « Le temps de la politique ne s’écoule pas toujours comme celui des entrepreneurs. Ici, les conditions du marché avaient complètement changé avant que le projet n’aboutisse, rendant notre modèle économique caduc », regrette-t-il.

En parallèle, SkySun s’est heurtée à des résistances sur son programme d’agrivoltaïsme, un concept pourtant déjà bien établi en France. « Là-bas, il est indispensable pour protéger certaines cultures du soleil excessif. En Belgique, ce n’est tout simplement pas perçu comme une priorité », observe Léopold Coppieters. Faute d’un cadre réglementaire favorable et d’un véritable élan politique, l’entreprise a dû mettre ce projet en suspens. « Nous avons discuté avec les nouvelles administrations, mais la volonté politique n’est pas là. Le secteur agricole a d’autres préoccupations pour le moment. Nous avons donc décidé de lever le pied et de nous concentrer sur des segments plus prometteurs. »

D’autant plus que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la crise énergétique de 2022 n’a pas forcément joué en la faveur de SkySun. “À cette époque, la demande d’installation de panneaux photovoltaïques domestiques a explosé. Les installateurs avec lesquels nous travaillons réalisant des marges plus importantes en B2C qu’en B2B (donc avec des chantiers comme les nôtres) nous n’étions plus prioritaires pour eux, ce qui nous pénalisait beaucoup.” raconte Léopold Coppieters. Alors Arthur et Léopold décident d’internaliser cette compétence. En s’associant avec deux entrepreneurs bruxellois, Rodolphe de Laminne et Constantin de Wouters, SkySun s’est doté de sa propre structure d’installation : Heliotech. “C’est intéressant dans la dynamique du groupe au global puisque les dépenses d’investissement (CAPEX) de SkySun deviennent le chiffre d’affaires d’Heliotech.” précise Léopold. Pari gagnant puisque Heliotech dépasse déjà les 2 millions de chiffres d’affaires.

La France comme nouvel Eldorado

L’une des nouvelles voies de développement pour SkySun semble être l’Hexagone. “La France a installé 20 GW de solaire, contre 10 GW en Belgique, alors qu’elle a une population sept fois plus grande et un territoire quinze fois plus vaste. Leur ambition est de doubler cette capacité d’ici 2030. Le marché est encore à prendre ! D’autant plus qu’il existe en France une obligation de solarisation : toutes les nouvelles constructions et rénovations doivent intégrer du photovoltaïque. Les parkings de plus de 80 places doivent être équipés d’ombrières solaires. De plus, l’État garantit un tarif d’achat de l’électricité produite à 100 euros/MWh pendant 20 ans. C’est une combinaison parfaite de carotte et de bâton.” D’autant plus que le marché de l’installation de centrale photovoltaïque en France semble polarisée entre, d’un côté, d’importants acteurs d’infrastructures assumant des chantiers de dizaines d’hectares, et de l’autre, une constellation de petits entrepreneurs électriciens indépendants spécialisés dans la pose de panneaux photovoltaïques domestiques. Ce qui laisse toute la place à des acteurs structurés comme SkySun capables de délivrer pour les PME sur des projets entre 5 et 15 000 m2 de toitures.

Charly Coppieters, Arthur Dawans, Léopold Coppieters et Antoine Ferrary, les associés de SkySun Group © SkySun

C’est la raison pour laquelle, en 2022, Charly Coppieters, le frère de Léopold, s’associe avec un investisseur français, Antoine Ferrary, pour lancer SkySun France. Les résultats étant rapidement très enthousiasmant, il fallait désormais transformer l’essai.

Un tour de table franco-belge pour concrétiser

C’est la raison d’être de cette levée de fond en série A que vient de boucler SkySun. D’un montant total de 16,8 millions d’euros, l’opération inclut 5 millions d’euros en equity d’Andera, un fond d’infrastructure (véhicule d’investissement dédiés à la mobilisation de capitaux en vue de financer des projets d’infrastructures majeurs, ndlr) français, 3,35 millions d’euros en dette convertible de Wallonie Entreprendre et une enveloppe optionnelle de 5 millions d’euros supplémentaires d’Andera. Le solde provient de l’apport de parts de SkySun France au groupe.

Nouvelle structure

Désormais, le groupe se structure de la sorte : les deux fondateurs, Arthur Dawans et Léopold Coppieters, forment avec Charly Coppieters et Antoine Ferrary, les associés de SkySun Group, entité détenant à 100%, d’une part SkySun France et SkySun Belgique, et de l’autre, à 50% Heliotech (le reste appartenant à Rodolphe de Laminne et Constantin de Wouters).

L’équipe de SkySun © SkySun

Les associés de SkySun Group ont profité de cette restructuration de la société pour nommer pour la première fois un general manager à SkySun Belgique, en la personne d’Alexis Stoffels, ex-Engie, ex-EDF, qui s’est déjà attelé à renforcer l’équipe belge. SkySun Group s’est également doté d’un board of advisors impressionnant pour aider le management à négocier correctement les prochaines grandes évolutions de la société. Parmi ces nouvelles références, on dénombre Chris Peeters (ancien CEO d’ELIA, le gestionnaire de réseau électrique fédéral belge), Sandrine Dixson (ex-coprésidente du Club de Rome, un groupe de réflexion international sur les enjeux mondiaux) et Michael Sachedev (ancien Chief Product Officer de Sunrun, une entreprise solaire basée à San Francisco et cotée au Nasdaq – pour 18 milliards – ayant obtenu des résultats remarquables dans le secteur).
En 2024, le chiffre d’affaires global du groupe s’élevait à 4,8 millions d’euros.

Des panneaux solaires aux batteries

Outre le déploiement à l’étranger de son modèle actuel, cette levée de fonds doit permettre à SkySun de continuer à diversifier ses activités. Le secteur des batteries semble être la direction choisie par l’équipe dirigeante : “En plus d’améliorer l’autoconsommation, elles nous permettent d’offrir des services au réseau, comme l’équilibrage et la régulation.” En gros, ces batteries permettront à SkySun de stocker l’énergie quand ses centrales photovoltaïques surproduirons et de réinjecter de l’energie quand le réseau sera sous-alimenté. “Cela stabilise le réseau et crée une nouvelle source de revenus” précise Léopold.

Mais l’entrepreneur va – déjà – plus loin : “Nous proposerons aussi aux entreprises de louer des espaces pour héberger nos batteries. Cela leur génère un revenu passif et optimise leur consommation énergétique. Nous réfléchissons même à proposer un paiement initial : au lieu de verser un loyer sur 10 ans, nous pourrions offrir une somme forfaitaire immédiatement, permettant aux entreprises de réinvestir cet argent. Nous développons également un réseau de bornes de recharge pour véhicules électriques, qui fonctionneront en synergie avec les panneaux solaires et les batteries. Cela renforce encore notre modèle énergétique intégré.

© SkySun

Et le co-fondateur de SkySun de conclure : “Cette levée de fonds découle d’un double constat. Le premier, c’est la prise de conscience du potentiel en termes de solarisation qu’il existe en France et plus largement en Europe. Ce qu’on fait en Belgique, c’est très bien, mais à l’échelle du changement climatique, c’est anecdotique. Il y a ce sentiment de responsabilité par rapport à la nécessité de transition énergétique. Puisque nous nous sentons en mesure d’apporter quelque chose qui peut faire la différence, alors il faut le faire à la plus grande échelle possible. Le second constat, c’est celui de l’inévitabilité de cette transition énergétique. Quoi qu’on en dise, le pétrole et le gaz sont des énergies que, tôt ou tard, nous épuiserons. Il nous faut donc être prêts et cela représente, pour nous, un vrai défi entrepreneurial qui nous a décidés à lever ces fonds.

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