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Dégâts à tous les étages suite à la liquidation de la holding belge de l’ex-groupe Wilink

La faillite de la faîtière de l’ex-groupe Wilink, dont le siège belge se trouve en Brabant wallon, a rapidement produit ses effets en cascade. Quasi tous les associés-actionnaires historiques ont tout perdu. S’estimant largués en plein vol, ils montrent du doigt deux des pilotes.
Des dizaines de millions d’euros dans la nature, une vingtaine d’associés plumés, de nombreux clients concernés par l’achat de produits hybrides (obligations-actions), plusieurs millions d’argent public envolés… Au lendemain de la faillite d’Altro Finance&Insurance (AFI Lux), la mise en liquidation volontaire de sa consœur AFI Belgium, installée le long du boulevard Roi Baudouin à Louvain-la-Neuve, risque de faire d’énormes dégâts collatéraux dans le secteur de l’assurance et du courtage belge. Celle-ci chapeaute les filiales belges liées à une marque qui s’est rapidement fait connaitre chez nous dans les domaines du courtage immobilier, de la finance patrimoniale et de l’assurance: Wilink, rebaptisée AFI Belgium fin 2020. C’est l’avocat liégeois Pierre Thiry qui vient d’être désigné comme liquidateur et doit trier les morceaux dans un montage de sociétés cross-border tout sauf simple.
Pour rappel, dès 2020, le groupe français LFPI (La Financière Patrimoniale d’Investissement), fondé par des anciens de la banque Lazard, a racheté la branche Assurance de Wilink et l’a recapitalisée récemment. Mais AFI Belgium détenait encore, avant sa liquidation volontaire, 40% de Wilink Insurance. Que va-t-il advenir de cette participation ? Le CEO actuel, Dorsan van Hecke, se dit confiant et indique même que deux sociétés financières ont récemment rejoint le groupe depuis l’arrivée de LFPI comme nouvel actionnaire majoritaire. Il s’agit de l’assureur wallon Alliance Bokiau et du Bruxellois Real Life.

Ruinés voire davantage

Sur le versant humain, l’onde de choc de cet effet domino ne s’est pas fait attendre: la grosse vingtaine d’associés historiques qui avaient participé en 2014 à la dilution de l’ancien groupe FINB pour en faire renaître le phénix Wilink se retrouvent aujourd’hui entièrement plumés. Les pertes qu’ils cumulent à eux seuls dépassent la barre des 10 millions d’euros, certains ayant perdu plus d’un million à titre personnel dans l’aventure. Il y a 5 ans, le capital investi par les clients particuliers (planification financière) via le réseau avoisinait déjà environ 300 millions d’euros sur base annuelle. Et rien que les commissions récurrentes versées par AXA Banque représentaient à elles seules quelque 2 millions d’euros (banque/placements/crédits) pour le groupe.

Les gorges serrées de celles et ceux qui s’estiment dupés commencent donc à se délier. La mort dans l’âme mais le couteau entre les dents, certains associés toujours actifs aujourd’hui dans un des métiers de ce qui reste du groupe autrefois flamboyant n’hésitent plus à pointer du doigt deux de leurs anciens collègues et patrons au motif qu’ils s’en seraient étrangement sortis à temps sans perdre des plumes et sans prévenir. Plusieurs d’entre eux confient d’ailleurs ne plus adresser la parole depuis des mois aux deux “Judas” (sic) à la manœuvre; ils évoquent ouvertement l’abus de confiance voire le délit d’initiés dans le chef de leur ancien patron, partenaire de référence ou ex-ami.
Un d’entre eux, plus tête brûlée que les autres, se lance… “J’appelle un chat un chat: Christophe Dister et Dominique Dejean nous ont tous convaincus durant l’été 2017 d’échanger nos actions Wilink Belgium, société pour laquelle je travaille depuis plus de 20 ans et que nous avions rendue très profitable, contre des actions de la holding luxembourgeoise AFI Lux. Pilotée par Dominique Dejean, cette holding qui ne dégageait pas de recettes propres est aujourd’hui faillie. Je comptais plus que tout, comme mes associés, sur les plus-values promises –et méritée– depuis des décennies. Et nous avons été bernés: mes avocats me disent que j’ai tout perdu, tout comme plusieurs amis et partenaires”.
Il poursuit, après un moment d’hésitation: “Plusieurs collègues avaient des crédits sur ces parts avec en garantie leur maison d’habitation, certains ont même tenté récemment de mettre fin à leurs jours. Je suis à la fois écœuré et particulièrement étonné que, contrairement à tous les autres –y compris sa sœur Axelle-, Christophe Dister ait encore pu vendre discrètement des milliers d’actions pour un montant de 149 euros par action entre 2019 et 2022 via la société Luxoza et qu’il ait ainsi pu quitter le navire en douce juste avant qu’il coule. C’est ce que j’ai fait savoir à Maître Christian Hansen, le curateur désigné dans le dossier luxembourgeois, sans grand espoir de récupérer quoi que ce soit”.

« Tous arnaqués »

Interrogé au sujet de ces allégations, Christophe Dister se défend bec et ongles et nie en bloc : “C’est totalement faux! J’ai quitté Wilink il y a cinq ans lorsque le groupe se portait encore bien. Et aujourd’hui, je suis lésé comme les autres: j’ai perdu dans l’aventure davantage d’argent que celles et ceux qui m’attaquent, même si j’ai pu revendre environ la moitié de mes actions pour un montant avoisinant le million d’euros. Nous nous sommes tous fait arnaquer par Dominique Dejean. Quinze jours après qu’on a fusionné les trois sociétés fondatrices de Wilink en 2014, les comptes de FINB étaient vidés par ce dernier.”
Il poursuit: ”En mars 2019, je me suis retrouvé esseulé entre un conseil d’administration qui ne voulait pas d’un homme politique et mes co-actionnaires et associés historiques qui me trouvaient trop proche de l’administrateur délégué d’alors pour me faire confiance. Ces derniers n’ont fait que des mauvais choix et n’en seraient pas là s’ils m’avaient gardé avec eux. Une chose encore: je n’ai été administrateur délégué que de Wilink Insurance et jamais de la holding belge ou luxembourgeoise. Et quand je suis parti en mars 2019, j’étais au bord de la dépression nerveuse: moi aussi j’avais tout perdu et je ne savais pas ce que j’allais faire…”, insiste Christophe Dister, dont la société CDS Patrimonium disposait encore de 338.037 actions AFI Belgium au moment de la mise en liquidation de cette dernière fin octobre.

Quadrum, la quadrature du cercle peu vertueux

Un troisième associé plumé évoque le rôle pour le moins étrange joué par Dominique Dejean dans une autre histoire de holding luxembourgeoise: Quadrum SA, aujourd’hui elle aussi en liquidation judiciaire. Celle-ci serait liée de près à Vauban Invest, une société coopérative immobilière wavrienne aujourd’hui faillie dont les créanciers ont eux aussi été éconduits.
Des centaines de clients de Wilink auraient également investi dans des produits financiers du fonds d’investissement privé Quadrum Sicav SIF SCA. En novembre 2019, Dominique Dejean, fort de ces apports, serait même devenu actionnaire majoritaire de la holding Quadrum au moyen d’un investissement conditionné de 10 millions d’euros dans le fonds précité, financé via Wilink… mais jamais honoré: en février 2021, le nouvel actionnaire majoritaire supputé décidait finalement de se retirer en évoquant un problème de confiance. De son côté, le conseil d’administration de Quadrum, tenu au lendemain de ce retrait inopiné, stipule en toutes lettres que les conditions imposées par Dominique Dejean à grands frais “ont été abusives dès lors que ce dernier n’a pas apporté ou fait apporter les liquidités promises, mettant au passage en péril la santé financière du fonds”.
Contacté à plusieurs reprises, Dominique Dejean reste pour l’instant aux abonnés absents.
Jusqu’à la veille de sa liquidation volontaire, le siège social de Wilink puis d’AFI Belgium se trouvait sur les hauteurs de Louvain-la-Neuve. Il a récemment été transféré chez Cavenaile Avocats, rue du Haut Pré à Liège.

Et la SRIW?

Dès 2016, Wilink, alors premier wallon dans le secteur du courtage d’assurances et au pied du podium national, a pu compter sur un prêt subordonné de la SRIW (aujourd’hui Wallonie Entreprendre). On parle ici d’une promesse de versement d’argent public tout sauf anodine, lourde de près de 10 millions d’euros sur 8 ans, dont Wilink (puis AFI Belgium) a pu rembourser à peine le dixième. Wallonie Entreprendre a d’ailleurs rapidement diligenté une saisie conservatoire sur l’ensemble des participations encore détenues par AFI Belgium et figurant à l’actif de son bilan. Mais vu la liquidation en cours, le remboursement de la totalité du prêt est sans doute illusoire.

Et la FSMA?

Pour ce troisième associé lésé, qui n’hésite pas à parler de “système à la Ponzi ou à la Madoff”, cela fait beaucoup de mouvements financiers à sens unique et pour le moins flous depuis la Belgique vers le Luxembourg juste avant deux aveux de faillite liés de près à la même personne. “Le moins que nous espérons, c’est que les autorités de contrôle des deux pays, bizarrement passives jusqu’ici, tirent cet imbroglio au clair sans plus attendre et que nous sachions rapidement à qui a profité le crime”, conclut-il.

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