Après le triomphe de la première saison de Knokke Off, le tournage de la suite démarrera mi-avril.
Lors de notre rencontre avec le producteur Anthony Van Biervliet, il est déjà plongé dans les préparatifs pratiques, dégageant une fierté palpable. Mais cette satisfaction n’est pas l’apanage des seuls producteurs. Les différentes parties prenantes, telles que la commune de Knokke-Heist, la maison de mode Natan et les investisseurs, se réjouissent également du succès de la série.
Le succès de Knokke Off est indéniable. La série s’est hissée dans le top 10 sur Netflix dans 54 pays à travers le monde. En Belgique, elle a rencontré un succès phénoménal, devenant la série la plus regardée sur la plateforme VRT Max avec 7,7 millions de videostarts. Son attrait auprès des jeunes est particulièrement remarquable : près de la moitié des spectateurs avaient moins de 35 ans. De plus, la série a connu un franc succès aux Pays-Bas et en France.
La connexion néerlandaise
« La connexion néerlandaise revêt une grande importance pour Dingie, notre société de production. Une plateforme de streaming comme Netflix n’aborde pas de la même manière notre petit pays morcelé et les Pays-Bas, qui disposent d’un public plus vaste et unilingue. Compte tenu de cette portée, nous avons ajusté le scénario et les personnages. À l’origine, Daan, l’étudiant qui travaille dans le bar de plage, devait être originaire d’Alost, mais il s’agit finalement d’un Néerlandais de Breda vivant avec sa mère au camping de Cadzand, juste de l’autre côté de la frontière. L’impact a été considérable. Les Néerlandais regardent Knokke Off comme s’il s’agissait d’une série néerlandaise tournée dans un contexte flamand. Rien d’étonnant que la série soit restée neuf semaines dans le top 10 de Netflix aux Pays-Bas », explique Anthony Van Biervliet.
Dingie compte désormais Dutch Filmworks (DFW) parmi ses actionnaires. « C’est avant tout un distributeur de films bien établi, mais ses excellentes relations avec tous les acteurs de l’industrie, notamment Netflix, nous ont beaucoup aidés. »
Du cinéma au streaming
Cette collaboration avec DFW est survenue à la suite de la toute première production de Dingie, De familie Claus. Au casting de ce film de Noël, on retrouve Jan Decleir et de nombreux acteurs néerlandais talentueux. « Le premier jour de tournage a aussi marqué le début du confinement. Nous avions dépensé une grande partie de notre budget. Le tournage lui-même était à l’arrêt et nous n’avions donc pas de visibilité sur le remboursement de cet investissement. Avec l’aide de DFW, nous avons alors complètement changé de cap. Notre public n’était plus dans les salles de cinéma, mais sur Netflix. Ce soutien nous a permis de terminer le film à une période où le streaming a explosé, car personne ne pouvait mettre le nez dehors en raison de la pandémie du Covid. Résultat : un énorme succès international, notamment en Amérique du Sud, qui est devenu le film flamand le plus regardé de tous les temps », poursuit Anthony Van Biervliet.
Cette approche flexible met en lumière la philosophie artistique et commerciale d’Anthony Van Biervliet. « Je veux faire des films et des séries qui parlent à un large public. Pour moi, ça n’a aucun sens s’il n’y a personne pour les regarder. Cela dit, je tiens aussi à exprimer mes histoires. L’idée de Knokke Off me trottait dans la tête depuis l’âge de 16 ans, ce qui explique d’ailleurs pourquoi j’ai choisi d’étudier au RITCS (Royal Institute for Theatre, Cinema and Sound). »
« Je veille à réaliser ce que je vends »
Anthony Van Biervliet est un producteur qui suit l’aspect commercial lors de la réalisation d’un film. « Il s’agit principalement de la relation avec les clients, c’est-à-dire les chaînes de télévision, les plateformes de streaming, les distributeurs de films. À cet effet, le contact direct est essentiel pour bien se comprendre. J’apporte des idées pour des films ou des séries possibles. Lors de nos discussions, je peux immédiatement voir si elles suscitent de l’intérêt ou non. Notre approche inspire de plus en plus de confiance. Nous avons en effet derrière nous quelques années marquées par de beaux succès. »
« Mais cette confiance mutuelle, elle se travaille. Je veille à réaliser ce que je vends. Les deux aspects ne doivent pas être dissociés, ce qui malheureusement arrive plus souvent qu’on ne le pense dans notre secteur. »
Cela aurait pu également se produire avec Knokke Off. Le concept original aborde la pression exercée par les parents sur leurs enfants pour qu’ils réussissent. Laquelle est particulièrement intense dans les milieux aisés. Dans la série, nous observons les personnages évoluer parmi de belles villas et des voitures exclusives. Pour eux, cette opulence est la norme. « Le détachement est un aspect clé de Knokke Off. Cependant, lors de nos premières discussions avec les créateurs et les stylistes, certaines propositions mettaient trop l’accent sur le bling-bling. Nous avons rapidement corrigé le tir en nous inspirant davantage de la discrétion et de l’élégance à l’ancienne. Par exemple, une chemise bleue sans logo. Les lieux somptueux restent en toile de fond : ils sont présents, mais nous ne les mettons pas en avant », explique Anthony Van Biervliet.
Écosystème
Une approche qui n’empêche pas les téléspectateurs de rechercher ces environnements. « L’office de tourisme de la commune nous a informés que de nombreuses personnes se rendent sur les lieux de tournage et partagent des contenus sur TikTok et Instagram », souligne Anthony Van Biervliet.
Le succès de la série a considérablement augmenté la notoriété de la commune. Un galeriste local témoigne : « Je me rends souvent à Paris et tout le monde connaît Knokke là-bas. Ce n’était pas le cas l’an dernier. C’est grâce à Knokke Off, qui a suscité un engouement sur Netflix en France, en particulier auprès de la jeune génération. »
Autour d’une telle série, tout un écosystème se crée, investissant et récoltant ensuite les fruits. Pensez aux fournisseurs de voitures apparaissant à l’écran, aux vêtements, aux œuvres d’art, aux lieux et aux boissons. Avec Natan, Dingie avait par exemple conclu un accord sur les tenues des actrices. « Instagram diffuse régulièrement des photos de la série avec des références aux magasins où acheter les vêtements. C’est devenu un élément essentiel du marketing pour les marques. »
« Le succès de Knokke Off a suscité une demande croissante de visibilité de la part des grandes marques. »
Alors que le placement de produits dans la première série reposait principalement sur des échanges de services et de produits, cette approche changera dans la deuxième. « Le succès de Knokke Off a suscité une demande croissante de visibilité de la part des grandes marques. »
Quant au financement, Anthony Van Biervliet déclare : « Je préfère ne pas entrer dans les détails chiffrés, mais la série a bénéficié de financements de la part de Netflix, de la VRT et de Screen Flanders. De plus, des entreprises ont investi dans la série via le célèbre Belgian Tax Shelter à hauteur d’environ un tiers de notre budget. Un montant qui ne doit pas être dépassé. Un euro ainsi collecté induit trois euros en dépenses. C’est une source de revenus très importante et c’est une situation win-win pour le producteur, l’investisseur et les autorités belge. »
Une partie du financement d’un film ou d’une série provient souvent de subventions. « Cependant, compte tenu du succès commercial de Knokke Off, je pense que nous devrions désormais nous en passer. Elles ne sont pas destinées à soutenir des projets déjà rentables. »
Les redevances jouent un rôle important dans les revenus de la société de production. De familie Claus est diffusé chaque année à la télévision, générant ainsi des revenus. « Ces droits sont un atout précieux pour notre portefeuille. On ne peut pas s’empêcher de penser à ‘Maman, j’ai raté l’avion’, qui est diffusé tous les ans depuis 1990 à la télévision. Nous verrons si Knokke Off connaîtra un tel succès à long terme », s’interroge Anthony Van Biervliet.
Dingie demeure une petite organisation composée d’un nombre limité de collaborateurs permanents. « Notre stratégie consiste à recruter des freelances pendant les périodes de tournage pour ensuite réduire rapidement notre équipe. Par ailleurs, nous devons continuer à développer et à vendre de nouveaux projets. Actuellement, notre agenda pour les années à venir est bien rempli. »
« Knokke Off présente l’univers des jeunes branchés »
Clover investit via le Belgian Tax Shelter
« Je suis très fier que Clover ait soutenu Knokke Off via le Tax Shelter. De quoi nous offrir un avantage fiscal ainsi qu’un rendement financier. Mais le véritable atout réside dans l’image et la notoriété au sein d’un réseau plus large. La série est sur toutes les lèvres, et c’est agréable de pouvoir dire que nous avons apporté notre pierre à l’édifice. Notre présence à un événement comme l’avant-première est également importante », déclare Laurent Claes, associé chez Clover, courtier en assurances.
Le Belgian Tax Shelter donne aux producteurs de films et de séries accès à une source de financement importante. Les investisseurs qui y souscrivent peuvent bénéficier d’un rendement fiscal de 5,25% par an, ainsi que d’un rendement financier au taux Euribor auquel s’ajoute 4,5% par an. « Les entreprises peuvent ainsi gagner 14,8% net en 18 mois. Un pourcentage qui a augmenté en raison de l’évolution à la hausse du taux Euribor », précise Anthony Van Biervliet.
Natan
La maison de couture belge Natan s’est fortement impliquée dans la production de Knokke Off. En plus de fournir de nombreuses tenues, elle a également ouvert les portes de sa boutique knokkoise pour le tournage. « C’est chez nous que se déroule la scène où les dames achètent des robes de soirée pour un mariage, mais où Louise (Pommelien Thijs) a un malaise après être sortie toute la nuit. Notre magasin n’est pas identifiable à l’écran, mais nos robes pour les actrices sont très bien mises en valeur dans la série », explique Pieterjan Van Biesen, directeur marketing de Natan.
Le placement de produits est une stratégie bien connue pour Natan. Ses vêtements apparaissent également dans Emily in Paris. Pieterjan Van Biesen surveille de près les réactions sur les réseaux sociaux. « Avec les séries télévisées, le public est très différent. Habituellement, nous sommes appréciés par les fashionistas et les influenceuses, mais la télévision nous permet de toucher un public beaucoup plus large. Depuis Knokke Off, même les hommes connaissent notre nom, alors que Natan ne leur propose pas de collection. »
Natan souhaite mettre en avant l’importance de la créativité. « En collaborant à une production télévisuelle, nous établissons un lien entre deux branches créatives. Nous l’avions déjà expérimenté dans le milieu musical avec la robe de Marie Wynants lorsqu’elle a épousé Mathieu Terryn, le chanteur de Bazart. »
La commune de Knokke-Heist
« Les images de la plage, des magnifiques villas du Zoute, de la réserve naturelle du Zwin, de l’ambiance dans la ville… font désormais le tour du monde, offrant une publicité inestimable pour Knokke-Heist. En termes de marketing, c’est tout simplement incroyable, d’autant plus à une échelle internationale. Nos services suivent de près les publications à l’étranger: par exemple, des articles sont parus dans le Corriere della Sera italien et le journal espagnol El Mundo. Toute cette publicité ne nous a d’ailleurs presque rien coûté. Il s’agissait de réglementer le stationnement par une présence policière les jours de tournage », raconte le nouvel échevin du tourisme, Philippe Vlietinck.
« De plus, le message véhiculé joue un rôle important. Depuis plusieurs décennies, Knokke-Heist dégage une qualité de vie : soleil et mer, ambiance, plaisir… Cette identité ressort très nettement dans la série. Son grand succès auprès des jeunes est un atout majeur pour nous. De cette façon, nous touchons une toute nouvelle génération qui peut voir à quel point la vie est agréable ici. Nous rompons également avec l’image stéréotypée de la côte belge, souvent associée à une population âgée. Knokke Off présente l’univers des jeunes branchés », poursuit le bourgmestre Jan Morbee.
Alors est-ce un inconvénient que la série mette en scène la drogue, l’abus d’alcool et la violence ? « Sans romance et sans drame, difficile de captiver le public. C’est comme ça. Nous savons pertinemment que cette vie de débauche ne correspond pas à celle du résident moyen de Knokke-Heist », explique Philippe Vlietinck.