Synonyme de repas abondants arrosés de bière ou de vin, la Belgique est souvent perçue comme le pays de bon-vivants. Dernièrement, cette réputation semble avoir pris un coup. Les Belges optent de plus en plus pour la durabilité, la santé et des repas plus petits et équilibrés. Pour Siska De Lombaerde, Country Director de Takeaway.com Belux, et Bert Van Thilborgh, observateur de tendances, il ne s’agit pas d’une mode passagère, mais d’un changement permanent de nos habitudes de consommation. Pour le secteur alimentaire, ce bouleversement est à la fois synonyme de défis et d’opportunités.
Le dernier « Food Trend Report » de Takeaway.com, publié fin 2024, cartographie ces évolutions. Le rapport combine des données sur les habitudes alimentaires et le paysage de la livraison à l’aide d’une enquête d’iVox et de perspectives de l’observateur de tendances Bert Van Thilborgh. Il en ressort 12 changements marquants dans les habitudes alimentaires des Belges.
1. Des choix plus sains plus fréquents
Le consommateur belge devient de plus en plus conscient de ses choix alimentaires. Pour Siska De Lombaerde, directrice de Takeaway.com Belux, il s’agit d’un changement fondamental : « Nous constatons un net virage vers des choix plus réfléchis, motivé par la santé, la durabilité et la transparence. Près de 40 % de nos commandes sont végétariennes et 16 % véganes, ce qui indique que cette tendance n’est pas qu’un simple effet de mode, mais un changement durable dans la perception que les Belges ont de l’alimentation. »
« Les consommateurs examinent désormais plus attentivement les étiquettes et l’origine de leurs aliments. Des technologies comme la blockchain et des outils tels que Footprint4All offrent de nouvelles possibilités pour améliorer la transparence et la traçabilité, permettant ainsi aux consommateurs de faire des choix éclairés. De plus, l’intérêt pour les valeurs nutritionnelles et l’empreinte écologique s’accroît, ce qui s’aligne sur la tendance du ‘sustainability by numbers' », ajoute l’observateur de tendances Bert Van Thilborgh. Par ailleurs, 61 % des consommateurs indiquent qu’une meilleure connaissance des bienfaits de la nourriture saine les inciterait à faire de meilleurs choix alimentaires.
2. Le prix reste un obstacle
L’enquête nationale montre que six Belges sur dix souhaitent mieux manger, mais que le coût des produits reste un obstacle majeur. « Les consommateurs veulent vivre de manière écologiquement responsable, mais quand le budget est limité, ils optent souvent pour des options moins chères », explique Van Thilborgh. Cette tension se ressent également chez Takeaway.com, où le fast-food reste le choix le plus populaire selon Siska.
« Je crains que le prix des denrées alimentaires continue d’augmenter en raison de l’incertitude persistante et du risque d’un conflit en Europe ou ailleurs, ce qui met en péril les chaînes d’approvisionnement alimentaires et pourrait même les interrompre temporairement », déclare Van Thilborgh. Cependant, il s’attend à ce que l’innovation fasse une différence dans ce domaine : « Nous assistons à l’émergence d’options plus saines, telles que des repas avec moins de graisses, de sel et de sucre, et à des développements biotechnologiques introduisant de nouveaux produits. »
3. Du bon-vivant à l’épicurien conscient
« Les Belges ont un style de vie épicurien, ce qui se manifeste notamment par le fait que nous consommons des vins et bières de qualité supérieure au niveau européen, mangeons beaucoup et prenons le temps de bien organiser nos repas, si bien que cela peut être considéré comme un véritable rituel, » dit Van Thilborgh. « Mais, » met-il en garde, « il est temps de rectifier cette image. Le temps consacré à la cuisine a considérablement diminué ces dernières décennies. En moyenne, la plupart des gens disposent de nombreux outils techniques permettant de cuisiner plus rapidement et mieux, ce qui explique en partie pourquoi nous passons moins de temps en cuisine. Le stress nous laisse également moins de temps. »
La mondialisation de la cuisine a également eu un impact sur la gastronomie. « Grâce aux voyages, à la migration et aux médias numériques, les Belges ont élargi leur palette de saveurs, » explique Van Thilborgh. « Toutefois, nous assistons à une résurgence des produits locaux, ce qui conduit à un équilibre entre mondialisation et localisation. Les consommateurs belges apprécient toujours l’aspect social du partage d’un repas, ce qui les distingue des cultures culinaires plus individualistes, comme aux États-Unis. »
4. La durabilité est une priorité
La durabilité est une tendance qui se manifeste dans tous les domaines, y compris l’alimentation. « Chez Takeaway.com, nous constatons une hausse significative de la demande de repas végétariens (39 % des commandes) et véganes (16 %) », déclare De Lombaerde. « En outre, les consommateurs optent de plus en plus souvent pour des emballages durables et des méthodes de livraison écologiques, pensez aux vélos électriques et aux matériaux compostables. » L’enquête le montre également : plus de 50 % des répondants affirment choisir plus souvent des alternatives à base de plantes.
Selon Van Thilborgh, la durabilité n’est plus une niche. « Nous voyons que les consommateurs s’attendent à ce que les produits soient durables, mais là aussi, le prix reste un obstacle majeur. Beaucoup de consommateurs veulent vivre de manière écologique, mais choisissent souvent les options moins chères. »
5. De plus en plus d’innovations technologiques
Les innovations telles que l’IA et la blockchain exercent un impact majeur sur le secteur alimentaire. « Nous testons actuellement un assistant IA conçu pour aider les clients à découvrir de nouveaux restaurants, recevoir des recommandations personnalisées et passer des commandes en toute transparence via des commandes textuelles ou vocales. À mesure que cette technologie se raffine, elle offrira des mises à jour en temps réel, répondra aux questions et anticipera les besoins de nos clients, offrant ainsi une expérience plus fluide et intuitive à tous ceux qui utilisent notre plateforme. C’est comme un ChatGPT, mais pour le déjeuner ou le dîner », explique Siska De Lombaerde de Takeaway.com.
Van Thilborgh souligne le pouvoir de la personnalisation. « Les innovations technologiques telles que l’alimentation personnalisée à partir de l’ADN et l’IA peuvent offrir de nouvelles possibilités. Bien que les consommateurs ne soient pas encore tous prêts, nous voyons des expériences intéressantes telles que les suppléments imprimés en 3D et les robots de boissons contrôlés par l’IA qui peuvent correspondre aux préférences personnelles. Ce type de développement marque un avenir passionnant. De plus, l’IA a le potentiel de réduire le gaspillage alimentaire en adaptant les recettes aux ingrédients qui approchent de leur date de péremption. »
6. Pression sur les restaurants de milieu de gamme
L’inflation joue un rôle important dans les choix alimentaires des consommateurs. En Belgique, l’impact est quelque peu atténué par l’indexation automatique, ce qui empêche la baisse rapide du pouvoir d’achat par rapport à d’autres pays. Toutefois, une étude de NIQ révèle que, dans le monde, près d’un quart des consommateurs ont du mal à joindre les deux bouts, et que 64 % envisagent de prendre un emploi supplémentaire en 2025 pour subvenir à leurs besoins.
Van Thilborgh souligne les défis posés par cette situation économique : « Les restaurants de milieu de gamme sont en difficulté, tandis que les options économiques et haut de gamme résistent mieux. Cela correspond à l’idée de consommation hybride, où les consommateurs équilibrent choix de luxe et abordables. Pour les restaurants de plats à emporter et de livraison, la situation est plus favorable, car leur structure de coûts est souvent plus faible et les consommateurs continuent de se tourner vers eux comme alternative plus abordable. »
7. Les options de collations nutritives gagnent du terrain
La structure traditionnelle des repas change, surtout pour les jeunes générations. « Nous assistons à l’essor du ‘snacking toute la journée’, où les gens mangent de petites portions tout au long de la journée », explique Van Thilborgh. Cette tendance est renforcée par les modes de vie actifs et le besoin de commodité. Les jeunes recherchent des collations saines et rapides, ce qui entraîne une offre croissante d’options nutritives à emporter.
8. Demande croissante de boissons sans alcool et fonctionnelles
Près de la moitié des Belges (49 %), notamment les jeunes (61 %) et les néerlandophones (53 %), déclarent vouloir consommer plus de boissons non alcoolisées dans un avenir proche. La consommation d’options sans alcool comme les mocktails et le kombucha augmente rapidement, surtout chez les jeunes. « Cela s’inscrit dans la tendance plus large de la consommation consciente », déclare Van Thilborgh. Les boissons fonctionnelles qui favorisent le bien-être, telles que le kombucha ou l’eau de collagène, deviennent de plus en plus populaires. Takeaway.com constate que de plus en plus de consommateurs choisissent consciemment des alternatives sans alcool lors d’événements sociaux, contribuant ainsi à une culture de consommation plus inclusive.
9. La transition vers les supermarchés virtuels
Trois Belges sur dix disent qu’ils feront uniquement leurs courses en ligne dans les dix prochaines années, ce qui démontre un glissement supplémentaire vers la consommation alimentaire numérique, selon le rapport. Les générations plus jeunes adoptent particulièrement l’achat en ligne. « Le gain de temps et la facilité sont essentiels », déclare De Lombaerde. « Nous constatons un changement clair des expériences d’achat physiques vers les expériences numériques, avec un nombre croissant de consommateurs qui achètent exclusivement en ligne. » Les modèles hybrides, tels que les commandes en ligne et le retrait en magasin, gagnent en popularité, ce qui correspond aux horaires chargés de nombreux consommateurs.
10. Réduction du gaspillage alimentaire
La pression économique a également un effet positif inattendu : le gaspillage alimentaire diminue. Les consommateurs prêtent plus attention à la taille des portions et les restes sont plus souvent réutilisés. Les plateformes comme Takeaway.com s’adaptent en proposant des portions plus petites et des promotions sur les restes, ce qui contribue activement à réduire le gaspillage. Les considérations éthiques jouent également un rôle. Van Thilborgh se demande : « Pouvons-nous encore nous permettre de jeter de la nourriture ? Pourquoi ne pas faire preuve de créativité avec les restes et les transformer en un nouveau plat savoureux ? » Les restaurants répondent de plus en plus à cette demande. Takeaway.com expérimente actuellement des programmes tels que les ‘do-good-deals’, où les surplus alimentaires sont proposés à un prix réduit. Pensez par exemple à l’entreprise sociale Too Good To Go, toujours populaire.
11. Nous choisissons la « food mood »
L’alimentation joue un rôle de plus en plus important dans le bien-être mental. « Nous voyons que les consommateurs choisissent plus consciemment ce qu’ils mangent en fonction de leur état d’esprit, » déclare Van Thilborgh. « La tendance du ‘mood food’ s’inscrit parfaitement dans cette démarche, où l’alimentation s’adapte à votre humeur. » De Lombaerde ajoute : « Chez Takeaway.com, nous constatons que les consommateurs recherchent un équilibre entre plaisir et alimentation saine. Cela se traduit par une popularité croissante des options nutritives ainsi que du comfort food. »
12. Plus local
L’attention pour les produits locaux croît fortement, alimentée par un mouvement tel que celui des locavores de Californie, qui prônent la consommation dans un rayon de 100 kilomètres. « Cet exemple extrême est une réaction contre la mondialisation », explique Van Thilborgh. « Les consommateurs optent plus souvent pour des produits locaux, non seulement en raison de la chaîne alimentaire raccourcie, mais aussi parce qu’ils font confiance aux agriculteurs et producteurs locaux. » Sur les marchés locaux, cette tendance se reflète dans la popularité des produits fraîchement récoltés, vendus par les agriculteurs, arboriculteurs et apiculteurs. « La saisonnalité est également un facteur important », ajoute Van Thilborgh. « Pas de fraises en hiver, mais plutôt des cycles naturels. » Simultanément, on est en train de se créer un équilibre entre mondialisation et localisation, une tendance également appelée « glocalisation ». « Nous combinons des produits locaux avec des ingrédients exotiques pour élargir notre horizon culinaire. »