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Guillaume Boutin, CEO de Proximus : Il faut se mettre en danger pour évoluer”

Guillaume Boutin, CEO de Proximus, nous reçoit dans ses nouveaux bâtiments à Evere. Engagé dans un mouvement perpétuel, le dirigeant partage ses ambitions, guidé par la curiosité et le goût des conversations « courageuses ».

« J’ai une foi très forte dans l’être humain et encore plus dans l’être humain éduqué ». Guillaume Boutin embrasse du regard les quelques livres qui peuplent son nouveau bureau d’Evere. Le labyrinthe des égarés d’Amine Maalouf, Le club des 5 heures du mat de Robin Sharma… « Je suis un enfant de l’école républicaine laïque », poursuit-il. « Je crois très fort en cette promesse de devenir qui l’on veut grâce à l’universalité des apprentissages. » Il a appris à compter, lire, écrire et même jouer du piano dans le système public français, à Tours. « Jusqu’à arriver dans une des meilleures business school française, HEC. »

« Il n’y pas de règle pour une bonne idée. Une bonne idée est une bonne idée. »

« Les qualités les plus demandées aujourd’hui sont la curiosité et la versatilité. La peur du changement n’est pas une option », affirme-t-il là où des innovations de rupture surviennent en cycles très serrés. Dans son domaine, c’est plutôt un prérequis. « Le cimetière est rempli de marques qui sont restées inertes. Être en mouvement ouvre davantage d’options stratégiques, ouvre des perspectives infinies. »

L’entreprise qui était un opérateur télécom à 100 % devient un acteur dans le numérique et se positionne face à des interlocuteurs nouveaux. « Nous sommes aujourd’hui contactés par des entreprises qui ne savent même pas que Proximus est un opérateur télécom. » À terme, 50% du chiffre d’affaires de Proximus sera réalisé à l’international. Le groupe ambitionne de devenir le troisième acteur mondial dans les communications digitales, barbarement dénommés les CPaaS (Communication Platform as a Service), faisant de lui un interlocuteur entre la West Coast et Mumbai. « L’Europe est un endroit de rencontre idéal »,  se réjouit Guillaume Boutin. 

« Nous visons à satisfaire quatre stakeholders : nos actionnaires, nos collaborateurs, la planète, nos clients. Nous avons donc quatre types d’indicateurs qui le reflètent. L’indicateur le plus difficile à atteindre est celui de la satisfaction client, le NPS qui demande une sorte de convergence des planètes. Il n’y a pas de playbook de succès. L’engagement des collaborateurs et le déploiement de la culture Proximus est une composante du bonus.  Lorsque nous présentons nos chiffres, c’est sur le sentiment d’appartenance et la fierté que nous comptons. Se dire qu’individuellement, chaque personne a pu participer à la réussite du groupe. » C’est en effet à la mode, de parler d’intelligence collective . « Je ne suis pas dans les mouvances, je suis dans le concret. Quand vous mettez plusieurs personnes dans une salle et que vous réfléchissez, vous obtenez de meilleures performances. Ce n’est pas de la théorie, c’est de la pratique. »

Chaque vendredi après-midi, le dirigeant ouvre son agenda pour que les collaborateurs y réservent une période de 15 min, pour pitcher une idée ou juste discuter de façon informelle. « Il n’y a pas de règle pour une bonne idée. Peu importe le niveau hiérarchique de la personne qui la propose, si elle a fait des études ou pas. Une bonne idée est une bonne idée. Lorsque j’en reçois une, je fais en sorte de l’accueillir sans tenir compte de la position hiérarchique de la personne qui la porte. »

Si le plaisir impacte sa performance et le déplaisir la réduit, Guillaume Boutin a une affinité pour les conversations dites courageuses. « On n’a pas besoin d’être amis pour fonctionner ensemble. » Ah non? « Ce qui compte, c’est la confiance qui naît en comprenant ses fonctionnements et ceux des autres. » Une conversation courageuse peut-elle être douloureuse? « Ce sont des vécus personnels qui rendront la situation douloureuse. Elle deviendra toxique si on continue à appuyer au même endroit. »
Une tentation qui n’est jamais tout à fait écartée et identifiable avec des signaux internes. « Je déteste les comportements toxiques, je m’entoure de personnes saines. »
Le dirigeant souligne l’importance de se comporter avec la même constante quelle que soit la personne en face.

Guillaume Boutin
Guillaume Boutin – © Maurine Wilmus

« Nous avons eu par exemple des conversations courageuses pendant une session de mise au vert du comité de direction, en marchant, sortant du cadre du quotidien. » Et le conflit dans tout ça? Pas sa tasse de thé. « Je peux vivre avec le conflit né du désaccord. C’est sain et ce n’est jamais personnel. We agree to disagree. Le conflit entre personnes a tendance à me raidir. Il faut de toute façon toujours essayer de discuter, de comprendre et laisser l’humanité des personnes s’exprimer au maximum. Même avec ça parfois, on n’y arrive juste pas, c’est comme ça. »

Encore faut-il que s’exprimer et innover fassent partie de la culture interne, voire que ce genre de comportements soient primés. « Il faut se disrupter si l’on veut évoluer. Se mettre en danger en apprenant une nouvelle façon de faire, en proposant une voie qui n’existait pas auparavant. »

Être dirigeant serait presque une partie de plaisir, à l’entendre « Ce sont des métiers très abrasifs. Il y a un aspect gratifiant et un autre côté très dur, où vous êtes scruté et critiqué en permanence. » Une éponge à deux côtés, l’un doux, l’un rêche. « C’est exactement cette image. Il faut se protéger pour ne pas être trop affecté par l’extérieur.
Il faut rester aussi vulnérable, c’est très important.
»
La gouvernance s’avère être un précieux allié.

A propos de gouvernance, Guillaume Boutin soulève l’importance d’avoir un actionnaire public. « On peut construire à moyen et long terme, là où le marché vise le court terme. En regardant les choses de cette perspective, cela devient une opportunité plutôt qu’une contrainte. Il faut alors, comme tout actionnaire, le convaincre de l’utilité de la démarche avec les critères qui sont importants pour lui.» 

« C’est pour faire face à l’intelligence artificielle que nous devons apprendre la philosophie des lumières. »

Ses liens avec le secteur public s’expriment également à travers le rôle de Proximus vis à vis de l’école « Les personnes qui sont les plus recherchées sont celles qui sont curieuses, qui sont capables d’apprendre. » La curiosité, encore elle. « Il faut évidemment des compétences de bases solides. La technique est importante mais c’est surtout l’état d’esprit qui compte pour comprendre le monde. C’est pour faire face à l’intelligence artificielle que nous devons apprendre la philosophie des lumières. C’est l’alliance des deux dont nous avons besoin. » De là à imaginer un plus grand rôle de Proximus pour former les talents de demain? « Je rêve de cohortes d’étudiants en stage, d’années de césure, de plus grands liens avec le monde de l’éducation. Nous manquons encore de cette culture. »

Salma Haouach
Salma Haouach
De formation ingénieure de gestion de Solvay en 2001, major finance, Salma Haouach a démarré sa carrière dans le secteur financier avant de travailler dans l’ingénierie marketing et la communication stratégique à Valencia, Casablanca, Bordeaux et Le Havre avant de revenir à Bruxelles il y’a 10 ans et poursuivre sa carrière dans le conseil en stratégie et leadership durable. Parallèlement, elle a construit une carrière médiatique comme chroniqueuse dans des médias audiovisuels nationaux à partir de 2008 (L’Express, La Première, La Deux, BX1), elle a créé un média online d'éducation aux médias (Le Lab.) puis éditant et présentant deux émissions économiques : Coûte que Coûte sur Bel RTL et Business Club sur LN24.

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