Dans le secteur IT, on assiste à une prise de conscience de l’importance d’un environnement de travail diversifié et inclusif. Les entreprises mettent en place une foule de programmes et d’initiatives encourageant les femmes à embrasser une carrière dans ce domaine. « Notre processus de recrutement est bien plus diversifié. Par ailleurs, nous accordons une attention particulière à la rétention des talents », déclare Francine Katsoudas, Chief People, Policy & Purpose Officer chez Cisco.
Les femmes sont toujours sous-représentées dans le secteur informatique. Au début de leur carrière, il est essentiel qu’elles puissent s’identifier à des modèles. Francine Katsoudas, Chief People, Policy & Purpose Officer chez Cisco : « C’est fondamental pour une jeune travailleuse de côtoyer d’autres femmes qui lui ressemblent ou au parcours similaire. » Ce fut le cas pour Francine Katsoudas lorsqu’elle a commencé chez Cisco il y a 28 ans. « Ma mentor m’a beaucoup soutenue. Elle m’a appris comment exprimer avec assurance mon opinion lors de réunions avec des cadres supérieurs et à croire en la pertinence de mes réflexions. Je lui en suis reconnaissante. Elle a été la première à m’aider à occuper différents postes au sein de l’entreprise. »
« Les femmes ambitieuses n’ont toujours pas bonne presse »
Ambitions
Francine Katsoudas a pu bénéficier du soutien de différents sponsors et mentors. Depuis mars 2020, elle est Chief People, Policy & Purpose Officer en charge de la diversité et l’inclusion chez Cisco. Un poste essentiel, souligne-t-elle. « Les femmes ambitieuses n’ont toujours pas bonne presse. J’en ai toujours fait partie et il n’y a rien de mal à ça. Mais cette mauvaise image constitue un obstacle qui empêche les femmes d’affirmer ce qui leur tient vraiment à cœur. Elles sont trop tributaires de la perception des autres. Nous voulons changer la donne. Nous devons demander aux femmes ce qu’elles souhaitent sincèrement pour leur carrière. »
Francine Katsoudas cite l’exemple d’une jeune femme qu’elle coache actuellement. Bien que cette dernière bénéficie du soutien de son supérieur, celui-ci tente de l’orienter vers un rôle non technique, alors qu’elle souhaite progresser dans le domaine technologique. « Nous devons ouvrir le dialogue pour briser ces préjugés inconscients. »
Le manque de confiance constitue un autre obstacle. Des études montrent que les femmes ne postulent pas à un poste si elles ne se sentent prêtes qu’à 70 ou même 80%, selon leurs propres critères. En revanche, leurs collègues masculins se jettent à l’eau même s’ils n’y croient qu’à 30 ou 40%. « Je conseille toujours aux femmes d’envoyer quand même leur candidature. Même si elles n’obtiennent pas le poste, elles témoigneront de leur intérêt pour progresser ou explorer d’autres opportunités. C’est dans ces moments-là qu’on montre qui on est vraiment. »
Top-down et bottom-up
Chez Cisco, hommes et femmes sont répartis de manière égale au sein des directions. « Atteindre cet équilibre au plus haut niveau de l’organisation revient à envoyer un message clair sur nos objectifs », précise Francine Katsoudas. « Nous privilégions une approche qui combine le top-down et le bottom-up, car les deux sont nécessaires pour changer les choses. » Chaque manager relevant directement du CEO doit élaborer un plan pour promouvoir l’inclusion. « Cette tâche fait également partie de ses critères de rémunération. »
Francine Katsoudas est fière de deux programmes lancés par Cisco il y a quelques années. Le DARE (pour Développement, Authenticité, Préparation et Excellence) aide les femmes à accroître leur visibilité et leur assertivité. Il s’agit d’un atelier interactif où les participantes explorent les opportunités éventuelles qui s’offrent à elles avec la compréhension, la confiance et les compétences nécessaires pour s’épanouir pleinement. Quant au JUMP Women’s Programme, il est conçu pour développer et retenir les meilleurs talents. Les potentiels élevés sont réunis pour se concentrer sur le leadership authentique, la réflexion stratégique et l’optimisation de l’impact. « Au fil des ans, nous avons constaté que les femmes qui ont suivi l’une de ces formations au début de leur carrière non seulement restent plus longtemps dans l’entreprise, mais sont également promues plus rapidement. »
Des alliés masculins
Malgré l’évolution positive, Francine Katsoudas estime que le rythme dans le secteur informatique n’est pas encore assez soutenu. Il existe encore des obstacles, comme les systèmes en vigueur dans les entreprises. « Nous avons nous-mêmes fait beaucoup de progrès lorsque nous avons radicalement changé notre processus de recrutement. Nous avons utilisé un panel diversifié lors des entretiens d’embauche. Nous avons ainsi réussi à battre en brèche de nombreux préjugés. Résultat : il y a chez Cisco
50 à 70% de chances supplémentaires de recruter un candidat issu de la diversité. »
Mais même en consentant des efforts substantiels, il a fallu quelques années pour faire vraiment bouger les lignes. « Nous y sommes parvenus parce que nous avions de solides défenseurs et alliés parmi nos collègues masculins », déclare Francine Katsoudas.
« Ce n’est pas seulement aux femmes de décider comment nous intégrons l’inclusion. Nous devons tous le faire ensemble »
Et Arnaud Spirlet, directeur général de Cisco Belux, de confirmer : « Quand je participais à des réunions de femmes dans le secteur technologique par le passé, j’étais souvent le seul homme. Ce groupe de femmes isolées voulait changer les choses, mais il faut mobiliser toute la population. Quand j’assiste maintenant à une réunion pour l’inclusion des femmes chez Cisco, 40% des participants sont des hommes. Voilà une avancée tangible qui fait vraiment progresser l’entreprise. »
Impact de l’IA sur l’emploi
Lors d’une discussion organisée à Leuven par le groupe de travail sur les compétences du Conseil du commerce et des technologies UE-États-Unis, Francine Katsoudas a discuté avec plusieurs entreprises axées sur la technologie et les ressources humaines de l’impact de l’IA sur le personnel TIC.
« En raison de la fracture numérique, beaucoup n’ont pas accès à Internet, ce qui limite aussi leur accès à l’éducation, aux soins de santé et même à l’emploi. Avec l’IA, nous ne devons pas commettre la même erreur », déclare Francine Katsoudas. « L’impact de l’IA ne sera pas le même dans tous les secteurs, mais en impliquant un grand nombre de personnes, nous les y préparerons mieux. Étant donné que de nombreuses nouvelles industries liées à l’IA vont émerger, il est crucial de veiller à la diversité et à l’inclusion pendant ce processus. Les personnes qui ne s’intéressaient pas à la technologie peuvent maintenant jouer un rôle. Il est donc fondamental de promouvoir la diversité parmi les ingénieurs travaillant sur cette technologie. Chez Cisco, nous nous engageons activement à ce que plus de femmes accèdent à ces postes techniques. Nous avons notamment mis en place des programmes pour faire revenir les femmes qui ont quitté l’entreprise ou le secteur informatique et leur offrir l’opportunité d’endosser certains rôles. »