L’exclusion numérique des femmes dans la Tech et les Data est globale, incluant sous-représentation, écarts salariaux, et manque d’opportunités. Des initiatives comme Interskillar, Girleek et Women in Big Data luttent contre ces inégalités via formations, mentorat et réseautage, visant des milieux de travail plus inclusifs. Marine Dehossay
Le Baromètre de l’Inclusion numérique, une initiative de la Fondation Roi Baudouin, révèle que la numérisation croissante ne bénéficie pas équitablement à tous, avec des vulnérabilités accrues chez les femmes. Entre 2019 et 2021, l’écart de compétences numériques s’est élargi pour les femmes, malgré une utilisation accrue des services numériques essentiels.* Les statistiques européennes montrent également un déséquilibre entre hommes et femmes dans le secteur des technologies en Europe, avec seulement 15% de femmes malgré qu’elles représentent 52% de la population. En Belgique, le pourcentage est un peu plus élevé à 18,2%, mais reste bas.
Ce déséquilibre est vu comme un problème de représentation et un enjeu économique, en raison du manque de compétences dans ce secteur.
La tech pour l’impact
Leïla Maidane, fondatrice d’Interskillar (anciennement Begreator), décrit sa plateforme comme un tremplin pour le développement professionnel des jeunes. Elle a identifié un problème majeur sur le marché de l’emploi : les processus de recrutement inefficaces et non inclusifs. Interskillar, répondant à ce défi, vise à remodeler le recrutement en favorisant une approche basée sur les compétences et non sur les diplômes traditionnels.
La plateforme fonctionne sur deux axes. Premièrement, elle collabore avec les entreprises pour développer des méthodes de recrutement équitables et centrées sur les compétences.
Deuxièmement, elle accompagne les jeunes dans la découverte de leurs talents et compétences, leur offrant un parcours de formation personnalisé, incluant un programme de mentorat. Ce dernier permet aux jeunes de recevoir des recommandations professionnelles, compensant ainsi l’absence de diplômes traditionnels.
Parallèlement, Leïla dirige Femmes Fières, une initiative visant à combler le fossé de compétences technologiques chez les entrepreneuses. « L’objectif est de renforcer leur présence dans des domaines à revenus plus élevés et d’augmenter leur attractivité pour les investisseurs, » déclare Leïla. L’organisation se concentre donc sur l’augmentation de la maturité technologique des entreprises féminines, en les rendant plus efficaces et visibles.
En tant que membre du groupe de travail européen WeGate, Leïla souligne également l’importance de la formation pour intégrer les femmes dans la transition verte et digitale.
Elle appuie l’idée de hubs digitaux fournissant des ressources clés pour aider les entreprises féminines à se développer technologiquement et à rester compétitives.
Enfin, Leïla conseille aux jeunes femmes intéressées par l’entrepreneuriat technologique de se concentrer sur l’impact plutôt que sur la technologie en tant que telle. « La technologie doit être au service de l’humain et encourager l’utilisation de ressources partagées pour réduire les inégalités et promouvoir la croissance des entreprises féminines, » ajoute Leïla.
« La tech est un outil qui nous permet d’avoir plus d’impact et il y a beaucoup de femmes qui visent l’impact à travers la technologie. Il faut viser la tech pour l’impact et pas la tech pour la tech. »
G(irl)eek
Julie Foulon, fondatrice de Girleek, partage l’histoire de sa plateforme dédiée à l’éducation numérique pour les femmes. Girleek est née d’une prise de conscience, encouragée par le père de Julie, tunisien : pendant le Printemps arabe, les femmes utilisaient la technologie pour faire entendre leur voix sans pour autant valoriser leurs compétences numériques. Julie a également noté une différence dans le traitement de l’information technologique entre les hommes et les femmes, ces dernières ayant un point de vue différent et plus axé sur l’applicatif.
Girleek, lancé en 2011 sous forme de blog et devenu un centre de formation en 2019, se présente aujourd’hui comme une plateforme dédiée à l’acquisition de compétences numériques pour les femmes. Active en Belgique (Bruxelles et Anvers) ainsi qu’en Tunisie et en Palestine pour des projets spécifiques, Girleek vise à soutenir les femmes, y compris les plus vulnérables, pour favoriser leur intégration sociale et professionnelle via une variété d’activités telles que des webinars, ateliers digitaux, vidéos utilisant l’IA, formations approfondies, stages pour adolescentes, accompagnement professionnel individuel et formations pour entreprises. Julie explique : « C’est important pour les femmes de se doter de compétences numériques face à l’émergence de l’IA et les changements qu’elle apporte dans le monde professionnel. La compréhension de ces outils est cruciale et accessible, et ce, même sans une formation avancée en mathématiques. »
Le futur de Girleek est ambitieux : l’expansion internationale, notamment en Espagne autour de la blockchain, et l’ajout de contenus en plusieurs langues. Mais ce n’est pas tout… « En plus des formations qu’on fait avec Bruxelles Formation destinées aux chercheurs d’emploi, nous avons développé deux parcours de formation, ouverts à tous, en autonomie, et adaptés pour chaque niveau d’expertise ; un axé entrepreneuriat avec la banque KBC et un autre avec la Fondation Orange. Ils sortiront tout bientôt ! » précise Julie.
Girleek Academy : https://girleek.academy/
A Women’s – in Big Data – world
En avril 2021, Valérie Zapico a lancé Women in Big Data (WiBD), une organisation mondiale présente à Bruxelles, visant à créer un réseau de soutien pour les femmes dans les secteurs liés au Big Data. Active également en Flandre et en Wallonie, cette organisation est l’unique chapitre belge de WiBD. « Nous offrons un environnement où les femmes peuvent se connecter entre elles, et bénéficier de mentorat, de formation et d’encadrement, y compris dans les cas de reconversion professionnelle, » souligne Valérie. WiBD propose des événements variés, tels que des conférences, des meetups, des formations et même des podcasts, pour aider les femmes à se développer professionnellement.
Les objectifs de WiBD incluent l’amplification du leadership local, l’encouragement au bénévolat et à l’engagement communautaire, le développement d’un programme mondial de mentorat pour accroître la communauté féminine, la création de réseaux pour connecter les partenaires à des candidats qualifiés, et la collaboration avec les universités pour la formation pratique. L’organisation oriente également les femmes vers des organismes comme Girleek pour des formations alternatives.
Valérie reconnaît les défis auxquels les femmes sont confrontées dans le domaine technologique, notamment le manque de référentes et la difficulté de se faire une place : « La communication et la diversité au sein des équipes sont des valeurs très importantes pour moi. Les femmes apportent une perspective différente dans le domaine des datas et de la tech, souvent axée sur l’impact sociétal et le contact humain. »
Quant à l’avenir de WiBD, Valérie annonce le lancement prochain d’une plateforme pour faciliter le matchmaking entre les entreprises et les jeunes femmes désireuses de s’orienter dans ces domaines, en leur offrant une vision concrète du travail quotidien dans le secteur. Valérie de conclure : « Nous allons continuer les podcasts, en plusieurs langues, sans oublier la reprise des meetups.
Je compte également continuer à investir dans le développement de WiBD via mon entreprise Valkuren, une société spécialisée dans le développement de solutions Big Data, sans oublier la promotion de l’égalité hommes-femmes. »
Linkedin : https://www.linkedin.com/company/women-in-big-data-brussels
*Source : calculs IACCHOS, UCLouvain, d’après les enquêtes Statbel 2019 et 2021.