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Les ETF Ethereum sont un nouveau produit financier qui pourrait avoir un impact significatif sur le marché des cryptomonnaies

L’approbation finale par la U.S. Securities and Exchange Commission (SEC) des ETFs basés sur Ethereum ce 23 juillet 2024 marque un nouveau tournant significatif pour l’industrie de la cryptomonnaie. Cette décision, qui est intervenue après l’approbation des spot ETFs Bitcoin le 10 janvier 2024, confirme une acceptation réglementaire croissante des actifs numériques et leur légitimité en tant que classe d’actifs. 

Rappelons qu’un ETF (Exchange Traded Fund) est un produit financier qui suit un indice sous-jacent, comme un panier d’actions ou d’autres actifs. Les ETFs Ethereum vont investir dans la crypto Ethereum, permettant aux investisseurs d’accéder à cette classe d’actifs en toute simplicité, via leur compte de courtage traditionnel sans devoir ouvrir un compte sur un Exchange de cryptomonnaies.

Cette approbation peut être perçue comme une nouvelle victoire symbolique pour les crypto-monnaies, faisant partie d’un assouplissement réglementaire plus large et presque inattendu il y a quelques mois de la part des États-Unis.

L’approbation pourrait avoir été influencée par des facteurs politiques, tels que le revirement du candidat Trump vis-à-vis du Bitcoin qui a été confirmé plusieurs fois depuis lors, notamment par son acceptation de dons en cryptomonnaies pour sa campagne électorale présidentielle.

Ces éléments montrent que les dynamiques politiques jouent un rôle très important dans les décisions réglementaires concernant les actifs numériques et que la cryptomonnaie devient de plus en plus intégrée dans le système financier traditionnel.

Selon des études récentes, environ 12% des adultes américains détiennent ou utilisent des cryptomonnaies, avec une proportion significative de jeunes adultes âgés de 18 à 29 ans qui représentent 31% des détenteurs de cryptomonnaies dans le pays.

Cette tendance croissante parmi les jeunes adultes pourrait avoir un impact majeur sur les élections présidentielles, car les candidats cherchent à attirer l’attention de cette démographie clé. Les cryptomonnaies ne sont pas seulement une question de finance, mais aussi de politique, d’environnement et de culture. Avec la montée en puissance des milleniaux  (nés entre 1981 et 1996) et les générations Z (nés entre 1997 et 2012) qui sont plus enclins à adopter de nouvelles technologies telles que les cryptomonnaies, les politiciens doivent tenir compte de leurs perspectives et de leurs préoccupations.

La vice-présidente américaine, Kamala Harris, qui est assurée d’être désignée comme l’adversaire contre Donald Trump pour l’élection présidentielle américaine de novembre, n’a jusqu’à présent pas exprimé publiquement une position détaillée sur les cryptomonnaies. Cependant, son rôle dans l’administration actuelle suggère qu’elle pourrait soutenir une approche réglementaire des actifs numériques, comme le reflète le cadre de développement responsable des actifs numériques publié par la Maison Blanche. Bien que certains acteurs de la communauté crypto croient qu’elle a le potentiel d’apprendre et d’influencer positivement les politiques de crypto, elle n’a pas pris de position claire sur les monnaies numériques, la blockchain ou les NFTs. Sa position semble être axée sur la régulation, avec un accent sur la protection des consommateurs et la stabilité financière, plutôt que sur une approche soit entièrement favorable, soit entièrement opposée aux cryptomonnaies.

L’intervention des politiques pourrait être importante dans une matière qui à première vue pourrait sembler plutôt technique mais dont les conséquences pourraient avoir un impact significatif non seulement dans le domaine financier mais aussi sur l’environnement.

Ethereum doit-il être considéré comme une « Commodity » ou une « Security » ?

En français, le terme « Commodity «  peut être traduit par « marchandise » ou « produit de base », il fait référence à un bien matériel interchangeable avec d’autres biens de même type, souvent une matière première utilisée dans la production d’autres biens ou services.

D’autre part, « Security », traduit par  « valeur mobilière », désigne un instrument financier négociable ayant une valeur monétaire et représentant un investissement dans une entreprise.

Les marchandises sont généralement soumises à des réglementations moins strictes, tandis que les valeurs mobilières impliquent des exigences de déclaration rigoureuses conçues pour garantir transparence et protection pour les investisseurs.

Des exemples de « Commodities »

Une marchandise ou produit de base est un bien fongible, interchangeable et standardisé. Des exemples de produits de base incluent l’or, le pétrole, le blé et le café. Les produits de base sont généralement réglementés par des bourses de produits dérivés.

Des exemples de « Securities »

Un titre est un instrument financier qui représente une participation dans une entreprise ou un projet. Des exemples de titres incluent les actions, les obligations et les fonds communs de placement. Les titres sont généralement réglementés par les organismes de réglementation des valeurs mobilières.

La distinction entre le commerce de biens de base et le commerce d’instruments financiers semble donc à première vue assez claire. Cependant, lorsqu’il s’agit d’actifs numériques tels que les cryptomonnaies, la classification devient plus floue.

Récemment, en juin 2024, la SEC a officiellement clos une enquête sur Ethereum, sans invoquer des griefs, ce qui laisserait penser que Ethereum n’est pas considéré comme une Security par l’agence.

Cependant, il est important de noter que l’approbation par la SEC des ETFs Ethereum ne signifie pas nécessairement que l’ETH est une Commodity, car l’approbation d’un ETF ne dépend pas de la classification de l’actif sous-jacent.

La situation a été compliquée par des révélations selon lesquelles la SEC aurait considéré en interne Ethereum comme une sécurité depuis avril 2023, mais cela n’a pas été confirmé publiquement par la SEC.

Rappelons que le Bitcoin quant à lui n’est pas considéré comme une valeur mobilière mais comme une matière première par la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), une importante agence de régulation américaine.

Si Ethereum était considéré comme une Security cela aurait un impact important non seulement sur les entreprises et les investisseurs mais aussi sur l’environnement.

La classification de l’ETH comme une Security imposerait de lourdes obligations légales aux acteurs du secteur et perturberait les marchés existants.

Il semblerait que le degré de décentralisation soit un critère central pour la SEC. Une importante décentralisation du réseau impliquerait une classification en tant que marchandise comme le Bitcoin.

Cependant, ce concept de décentralisation reste flou. Un discours de 2018 de William Hinman, directeur de la division de la finance des sociétés à la SEC, apporte un éclairage partiel. Selon lui, la décentralisation du réseau sur lequel un jeton opère peut faire sortir ce dernier de la catégorie des titres financiers. Bitcoin en est un exemple : son réseau est décentralisé depuis sa création, rendant la qualification de « Security » inapplicable. Il n’y a pas de société et de CEO de « Bitcoin «, le système est géré par ses utilisateurs.

Toujours en 2018, lors d’une conférence au Massachusetts Institute of Technology (MIT) Gary Gensler, alors professeur (et pas encore président de la SEC), a exprimé l’avis que l’Ethereum n’était pas considéré comme une Security par la SEC. Cependant, la position de la SEC sur Ethereum et d’autres crypto-actifs semble avoir évolué depuis lors, et Gensler, maintenant à la tête de la SEC, évite de répondre directement aux questions sur la classification actuelle d’Ethereum.

Si la SEC ne s’est pas encore prononcée sur Ethereum, il est néanmoins important de relever que la Futures Trading Commission (CFTC) a classé Ethereum comme une marchandise (Commodity) dans une affaire contre Binance en mars 2023.

La classification de l’ETH comme une Security imposerait donc de lourdes obligations légales aux acteurs du secteur, perturberait les marchés existants et pourrait engendrer des batailles juridiques : La CFTC pourrait contester la décision de la SEC, ce qui pourrait entraîner une cascade de litiges. Il sera évidemment reproché à Gary Gensler d’avoir précédemment qualifié Ethereum de marchandise (Commodity).

La conséquence la plus dommageable pourrait cependant concerner l’environnement

Ethereum utilise un système dit de «  preuve d’enjeu (PoS) » pour valider les transactions. Ce système est beaucoup plus économe en énergie que le minage traditionnel de cryptomonnaies, comme celui utilisé par le Bitcoin, qui consomme d’importantes quantités d’énergie.

Le système PoS de Ethereum ne requiert pas de telles telle puissance de calcul, ce qui le rend bien plus écologique. Il serait donc fort regrettable que cette alternative plus verte soit freinée par un risque de classification comme valeur mobilière par la SEC. D’autres projets cryptos seraient alors certainement poussés à adopter des systèmes de validation de transactions plus gourmands en énergie comme le minage pour éviter d’être soumis aux législations très contraignantes sur les titres financiers.

En conclusion, il est certes important de veiller à une réglementation appropriée des marchés financiers mais il est nécessaire de ne pas entraver l’innovation et le développement de technologies prometteuses comme Ethereum, en particulier celles qui s’avèrent plus respectueuses de l’environnement. Espérons que l’intervention des politiques dans ce domaine aussi n’est plus qu’une question de temps.

Jean-Marc Goossens
Jean-Marc Goossens
Jean-Marc Goossens est avocat au Barreau de Bruxelles depuis 1988. Il est expert en droit international d'affaires avec une spécialisation ciblant les investissements aux États-Unis et en Asie. Par la force des choses, il a également dû se spécialiser récemment dans les domaines de la blockchain, des cryptomonnaies et de l'intelligence artificielle.

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