Éphémère terrassier verviétois devenu patron d’un petit empire immobilier,
René Baudinet incarne la résilience et l’audace d’un entrepreneur autodidacte. Il a su transformer ses échecs et ses défis en véritables tremplins pour construire un empire immobilier, symbolisé par le Lodji, l’un des hôtels les plus prisés du domaine des Trois Vallées en Savoie. Cette vie romanesque a séduit les jeunes éditrices liégeoises de Parla Editions qui lui ont demandé de partager son histoire dans un ouvrage intitulé Le Cocu – La folle aventure d’un spermatozoïde chanceux. À travers ses pages, René Baudinet livre un témoignage inspirant pour tous ceux qui rêvent de tracer leur propre chemin.
René? Il vient de descendre du télésiège. René? Il accueille un groupe de touristes anglais. René? Il est en train de faire la fête avec les profs de ski. René? Je viens de le voir avec le Premier ministre Michel Barnier… Dans la vallée des Belleville, de Val Thorens à Saint-Martin en passant les Ménuires, il existe sans doute des centaines de personnes qui se prénomment René. Mais pour tous les habitants de cette magnifique vallée des Alpes françaises, il n’existe qu’un seul René. René le Belge, ou plutôt le Liégeois, alias René Baudinet.
Avec ses deux fils, l’homme d’affaires a concrétisé un vieux rêve. Eriger l’un des plus beaux hôtels des Trois Vallées, à Saint-Martin-de-Belleville – Le Lodji – tout en gardant une convivialité et un amour de la fête typiquement belges et liégeois… Un endroit où l’on peut croiser des hommes d’affaires, des touristes belges en quête de fête, des visages connus de la télé et des amoureux discrets de la montagne. Mais René Baudinet, ce n’est pas uniquement un homme jovial doté d’un sens des affaires inné. Pas seulement l’un des visages les plus connus et les plus appréciés du plus grand domaine skiable du monde. C’est une vie totalement romanesque, celle d’un homme, d’un mari, d’un père et d’un investisseur qui a enchaîné les joies, les succès, les échecs et même l’un ou l’autre drame.
Un parcours singulier : de la pauvreté au succès entrepreneurial
Dans son livre, René Baudinet revient sur son parcours atypique marqué par des débuts difficiles et une ascension remarquée dans les affaires. Comme souvent, c’est en cherchant dans l’enfance que l’on trouve toutes les clés d’une vie. Celle de René Baudinet n’a pas été facile. Héritier d’une famille ayant prospéré dans le secteur du textile verviétois, il va grandir alors que l’entreprise familiale traverse de grandes difficultés financières. « Mon père, un homme d’une grande intégrité mais souvent considéré comme « nul » par ses pairs, a connu des difficultés majeures, sa gestion de l’entreprise était catastrophique et il a fallu que ma mère reprenne les commandes pour redresser le bateau », confie Baudinet. « J’ai grandi avec cette image de lui et ça a façonné ma vision des choses. Il n’était pas très sociable, mais il m’a transmis des valeurs qui m’ont rendu heureux malgré tout. Nous avons vécu des périodes très difficiles, nous vivions certes dans le petit château de la famille, mais on manquait de tout, même de chauffage. Cela m’a poussé à développer une certaine résilience ».
Cette situation a affecté son propre parcours, influençant ses choix et ses ambitions. Première décision radicale, René Baudinet décide de ne pas reprendre l’affaire familiale. « Je n’ai jamais été intéressé par les affaires familiales. Et puis, j’étais un mauvais élève, donc mes parents m’ont inscrit dans une école technique. J’ai raté mes études et je ne voulais plus retourner à l’école. Mon père a accepté à condition que je trouve du travail, ce que j’ai fait. J’ai commencé comme terrassier, ironiquement, après avoir juré que je ne ferais jamais ce métier. J’avais dit un jour à des amis que pour 100 000 francs belges par mois, je ne creuserais pas de tranchées. Quelques mois plus tard, je me retrouve à faire exactement ça, mais en gagnant nettement moins ». Cette expérience brève constituera une bonne leçon d’humilité. « Ce travail m’a fait réaliser que ceux qui travaillent dur, même dans des tâches pénibles, ne sont pas différents de moi. Peut-être ont-ils juste pris un chemin différent».
Les débuts d’un entrepreneur autodidacte
Ce sentiment d’humilité, couplé à une détermination à sortir des situations difficiles, l’a poussé à chercher de nouveaux défis. Après avoir quitté son travail de terrassier, Baudinet fait ses premiers pas dans le commerce. « C’est une succession d’opportunités. Après avoir quitté mon travail de terrassier, j’ai trouvé du travail comme jardinier, puis j’ai eu l’idée de louer des plantes vertes aux commerçants. Cela m’a permis de développer mes premiers contacts commerciaux. J’ai ensuite eu une chance unique au Grand Bazar de Verviers, où j’ai pu installer un comptoir de vente de plantes en échange d’une décoration gratuite pour le magasin. Cela m’a lancé dans le monde du commerce. J’ai commencé avec un crédit de 35 000 francs belges… »
Dans la foulée, il reprend un commerce de toiles cirées au sein du Grand Bazar verviétois et en fait une grande réussite commerciale. C’est le début d’une grande et longue success story, tout ce que René Baudinet touche se transforme en or, ou presque. Ce n’est pas un hasard si le Grand Bazar le repère et lui demande de reprendre la gestion du grand magasin verviétois.
Ses premiers gains, Baudinet décide de les investir dans l’immobilier. « J’ai commencé en achetant des bâtiments avec des crédits à 100 %, ce qui était possible à l’époque. Chaque fois que j’en avais l’occasion, j’achetais un nouveau bien immobilier. J’ai souvent dit à mes amis qu’il suffisait de bien acheter et de louer pour rembourser. Cela m’a permis de développer un portefeuille immobilier considérable. Avec un bon achat, les loyers couvrent le remboursement, et c’est ce qui m’a permis de prospérer dans ce domaine».
La montagne, une passion et une opportunité
Le premier contact de René Baudinet avec la montagne vire au drame. « Une mauvaise chute à l’âge de 11 ans qui m’a valu une triple fracture tibiale et six semaines de plâtre ». Mais cela n’entame en rien sa passion pour les sommets enneigés, notamment ceux de Saint-Martin-de-Belleville. « J’ai découvert ce petit village par hasard lors d’une balade dans les Trois Vallées. J’ai été séduit par le charme de l’endroit et j’ai décidé d’y acheter un appartement. De fil en aiguille, j’ai investi dans un chalet, puis dans un hôtel ».
L’ « Alp hôtel» est un petit hôtel trois étoiles, de gamme moyenne, mais il profite d’une situation idéale, juste aux pieds de l’arrivée des pistes de Saint-Martin. « C’est là que tout a basculé. Le maire de l’époque m’a convaincu de ne pas transformer l’hôtel en appartements, mais de le garder comme hôtel. Cela nous a conduits à gérer l’hôtel nous-mêmes, ce qui a été une nouvelle aventure ». Ceux qui y passent une semaine de vacances n’y voient qu’un endroit paradisiaque, mais la gestion d’un hôtel de montagne constitue un véritable défi financier et logistique. L’altitude rend tout plus difficile et plus coûteux et la période d’activité est limitée à quelques mois. « Les premières années ont été difficiles, avoue René Baudinet. Nous avons eu plusieurs locataires qui n’ont pas réussi à faire prospérer l’hôtel ». C’est là qu’un nouveau projet, celui du Lodji, germe dans la tête des Baudinet. Car désormais, René profite de l’aide, de l’énergie et des compétences de ses deux fils, Laurent et Pierre. Malgré les obstacles, Baudinet et ses enfants entreprennent de moderniser l’hôtel, transformant l’établissement en un lieu prestigieux. « À un moment donné, mes fils Pierre et Laurent ont décidé de prendre les choses en main et de gérer l’hôtel directement avec moi. Cela a impliqué des journées de travail interminables, et nous avons dû moderniser le bâtiment pour qu’il soit à la hauteur de sa situation exceptionnelle. C’était un chantier colossal, mais grâce aux efforts démesurés de mes enfants, nous avons réussi à transformer cet hôtel en un établissement de qualité. » Son admiration pour ses enfants est palpable : « C’est grâce à leur effort démentiel que nous avons réussi à mener à bien ce projet. »
Le secret d’une « grande gueule »
Aujourd’hui, l’hôtel est une réussite, qui bénéficie d’un taux de remplissage parmi les importants des Trois Vallées, et supérieur aux stations de la Vallée des Belleville. Tout le monde connaît René Baudinet et tout le monde connaît le Lodji. Mais René ne cache pas les difficultés rencontrées en cours de route, notamment les procès contre certaines entreprises pour des malfaçons, et le défi permanent que représente la gestion d’un hôtel 4 étoiles dans une station de ski. « C’est un travail de titan, mais cela en valait la peine », conclut-il avec fierté. Et l’avenir ? « Continuer à améliorer ce que nous avons bâti et peut-être explorer de nouvelles opportunités, mais toujours avec passion et détermination ».
Et même s’il fait preuve de modestie et d’humilité, René Baudinet joue un rôle fondamental dans cette réussite, grâce à cette empathie assez rare qui lui a donné une notoriété incroyable dans les vallées savoyardes. Son secret? « Honnêtement, je ne sais pas vraiment. Peut-être parce que j’ai une grande gueule ! Mais plus sérieusement, je pense que c’est aussi lié à mon parcours. J’ai été actif dans le commerce, puis dans l’hôtellerie, et j’ai toujours essayé de m’intégrer dans la communauté. Cela crée des liens ». Il faut se plonger dans les pages truculentes de son livre – « Le Cocu » – pour trouver les clés de ce destin singulier. René Baudinet, à travers son histoire, incarne la résilience et l’audace d’un entrepreneur autodidacte, ayant su transformer des difficultés personnelles et professionnelles en véritables tremplins vers le succès. « Ce qui compte, c’est d’avoir des convictions et de s’y tenir, même quand c’est difficile. On apprend beaucoup en surmontant les obstacles. Et surtout, il faut savoir s’entourer des bonnes personnes. Mes enfants sont pour moi la plus grande réussite de ma vie ».
Un témoignage inspirant pour ceux qui cherchent à bâtir leur propre destinée.
« Le Cocu – La folle aventure d’un spermatozoïde chanceux », Parla Editions, 391 pp, 20,90 euros
Une version collector de 284 pages enrichie d’un album photos et de dessins est vendue à 32,90 euros