Les frères Samuel et Daan De Wever ont marqué le monde de l’entrepreneuriat en 2008 en fondant Destiny, une société spécialisée dans les solutions de communication d’entreprise basées sur le cloud. Passée du statut de challenger modeste à celui d’acteur européen ambitieux, l’entreprise s’est dotée d’une nouvelle identité de marque : Dstny. « L’importance de la concentration et de la rotation dans le leadership sont les leçons les plus précieuses que j’ai apprises en tant qu’entrepreneur », lance Daan De Wever.
Avant même Destiny, Samuel et Daan De Wever avaient créé leur entreprise de services réseau Benesol. En 2008, dans le sillage de la reprise d’un opérateur de télécommunications en faillite, ils ont fondé Destiny dans un grenier. « Nous avons sauté sur l’occasion sans faire les vérifications d’usage », raconte Daan De Wever. « Nous avons dû agir rapidement, mais ça nous a permis de gagner au moins deux ans dans le déploiement de nos services. » Ce qui s’apparentait au départ à une sage décision s’est rapidement révélé plus compliqué : l’entreprise en faillite dépensait des centaines de milliers d’euros de liquidités chaque mois pour maintenir sa structure de coûts.
Survie
En pleine crise financière, les frères n’ont pas eu d’autre choix que d’aller de l’avant et se sont mis en quête de capitaux extérieurs. « Notre priorité numéro un, c’était la survie », se souvient Daan De Wever. « Nous avons élaboré un plan financier et un business plan. » Au cours de cette étape, Daan De Wever a appris à quel point il est essentiel de convaincre les investisseurs avec une vision, un rêve et une ambition, pas seulement en leur faisant miroiter des chiffres mirobolants. « Les investisseurs doivent croire en vous et en votre équipe », explique-t-il.
À partir de 2009, Destiny a connu une croissance organique rapide en Belgique. Celle-ci s’est poursuivie jusqu’en 2015, date à laquelle les frères ont été confrontés à un choix important : se cantonner au marché belge, relativement petit, ou s’internationaliser ? « Le marché était très fragmenté. Pour devenir un acteur de premier plan, nous devions nous internationaliser. » Ils ont remplacé leurs actionnaires par des fonds d’investissement privés néerlandais, après quoi les premières acquisitions ont suivi aux Pays-Bas – un marché en avance – et plus tard en France. « En décembre 2019, nous avons signé un accord avec le fonds d’investissement français Apax Partners (aujourd’hui Seven2). »
La pandémie comme catalyseur
Peu après, la pandémie a éclaté, provoquant l’incertitude des investisseurs. Daan De Wever a su y déceler une opportunité. La demande de ses services a grimpé en flèche, car sa technologie permettait le travail à domicile. « Je n’ai pas vu mes investisseurs pendant un an, mais c’était le moment de se retrousser les manches. Nous avons alors réalisé deux grosses acquisitions en Suède : Soluno, un homologue du secteur, et Telepo, un fournisseur de technologie. »
Ces transactions, négociées presque entièrement en ligne, représentent plusieurs centaines de millions d’euros. Daan De Wever les classe sans hésitation parmi les moments les plus fascinants de sa carrière. « C’était une partie d’échecs. Je devais agir en fin tacticien, car les deux parties se connaissaient bien mais ne devaient pas savoir qu’elles négociaient avec nous. Dans mon esprit, c’était tout ou rien. La réussite de ces transactions a transformé notre entreprise, elle nous a permis de définir notre vision pour l’avenir et de devenir un leader européen sur le marché des communications dans le cloud. »
Une nouvelle identité
La stratégie buy and build de Destiny n’a pas débouché sur un conglomérat d’entreprises et de technologies rassemblées sous un même toit. Daan De Wever accorde une grande importance à l’intégration durable. « C’est la partie la plus difficile, car tout ça prend du temps. Les investisseurs veulent voir des résultats rapidement. » Pour se présenter comme une marque puissante et se positionner face aux géants américains tels que Microsoft et Cisco, ils ont renoncé à leur ancien nom. Pour mettre au point le nouveau, ils n’ont pas fait appel à de coûteuses agences de marketing, mais à un collègue suédois, lequel a suggéré de supprimer toutes les voyelles, ce qui a donné Dstny. Le changement de nom ne répondait pas à une volonté esthétique, mais à un besoin de repositionnement en tant qu’entreprise européenne ayant pour mission de faciliter les communications professionnelles pour les PME et les grandes entreprises.
Dans le cadre de ce rebranding, Daan De Wever a commandé une étude pour déterminer comment placer l’entreprise sur la carte à l’échelle européenne. Ladite étude a montré que le sponsoring cycliste constituait le meilleur choix. Dstny est devenu cosponsor en titre de l’équipe cycliste belge de l’UCI WorldTour, aux côtés de la Loterie Nationale. « C’était un investissement important, mais il a renforcé la perception de Dstny comme une grande entreprise, tant à l’extérieur qu’en interne. Les investisseurs et les parties prenantes nous regardent désormais différemment et nos employés ne cachent pas leur fierté. Le parrainage du cyclisme s’inscrit dans notre politique de recrutement et de fidélisation. » Entre-temps, Dstny a décidé de mettre un terme à ce sponsoring, principalement pour des raisons commerciales, et en partie à cause des accusations entourant le CEO de la Loterie Nationale, Jannie Haeck. « Je ne veux pas que mon entreprise soit mêlée à ça, de près ou de loin. »
Focus
Aujourd’hui, Dstny, dont le siège est à Bruxelles, emploie plus d’un millier de personnes dans sept pays européens (Belgique, Pays-Bas, France, Allemagne, Suède, Danemark et Royaume-Uni), avec un chiffre d’affaires annuel prévu de 275 millions d’euros et un EBITDA (Bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement, ndlr) de 25 %. Pour maintenir cette croissance, Daan De Wever souligne l’importance d’un changement continu, y compris au niveau du leadership. « Pour rester compétitif, il faut maintenir une rotation suffisante au niveau de la direction. Je donne toujours ce conseil : intégrez régulièrement des personnes de l’extérieur dans votre entreprise pour générer une nouvelle énergie et un dynamisme accru. En 2019, j’ai fait appel à un CEO externe ; en tant que jeune premier, c’était le meilleur choix que je pouvais faire. Il a fait office de mentor pour moi. Parfois, on a besoin de l’expertise des autres pour faire passer l’entreprise au niveau supérieur. »
« Au lieu d’essayer de tout faire en même temps, c’est beaucoup plus efficace de travailler de manière séquentielle : terminer d’abord quelque chose correctement avant de s’attaquer à la tâche suivante »
En outre, la concentration est cruciale. Son CEO lui a conseillé de revenir régulièrement à l’essentiel. « C’est normal de ne pas exceller dans tous les domaines, tant que vous concentrez votre énergie sur ce qui est important. Au lieu d’essayer de tout faire en même temps, c’est beaucoup plus efficace de travailler de manière séquentielle : terminer d’abord quelque chose correctement avant de s’attaquer à la tâche suivante. Les entrepreneurs ont souvent tendance à lancer sans cesse de nouveaux projets, mais il importe tout autant de décider chaque année quels projets doivent être abandonnés pour laisser la place à ce qui produit vraiment de la valeur. »
« Les frictions donnent du relief. Nous n’avons que faire des suiveurs qui se contentent d’obtempérer »
Un leadership authentique et un environnement sûr permettant aux employés d’innover sont primordiaux chez Dstny. « Le jour où ce ne sera plus le cas, je partirai », clame avec conviction Daan De Wever. Il apprécie également ceux qui osent se battre pour leurs idées. « Les frictions donnent du relief. Nous n’avons que faire des suiveurs qui se contentent d’obtempérer. Si nos collaborateurs sentent qu’ils doivent se battre pour quelque chose, qu’ils le fassent, car c’est là que se crée la valeur. »