Après une décennie de succès, Culinaria, l’événement qui a révolutionné la scène gastronomique belge, s’était éclipsé en 2018. Son fondateur, Cédric Allard, revient avec une nouvelle vision, plus exclusive et immersive. Exit le festival, place à une expérience inédite où gastronomie et événementiel fusionnent dans un cadre inédit. Pourquoi ce retour ? Quels changements ? Il nous dévoile les coulisses de cette renaissance.
Forbes Belgique : Culinaria a été un événement marquant pour la haute gastronomie en Belgique. Quelle était son ambition initiale ?
Cédric Allard : Lorsque nous avons lancé Culinaria en 2009, notre objectif était de démocratiser l’accès à la haute cuisine en permettant au public de rencontrer les chefs et de goûter à leur univers sans devoir nécessairement se rendre dans leurs établissements. L’idée était simple : rassembler les plus grands chefs belges, leur donner une plateforme pour s’exprimer et proposer une expérience unique. Culinaria a été le premier festival gastronomique en Belgique et, dès les premières éditions, il a rencontré un succès considérable. Nous avons accueilli jusqu’à 30 000 visiteurs par an, ce qui nous a permis de réunir les chefs les plus prestigieux du pays, mais aussi des talents internationaux. L’événement a évolué au fil du temps, passant d’une grande fête populaire à une expérience plus soignée et plus immersive, avec une scénographie poussée et des thématiques précises. Nous avons également organisé des éditions spéciales en dehors du festival principal, notamment sur la côte belge, au Sablon ou encore en forêt, où nous avons imaginé des formats plus intimistes.

Pourquoi avoir mis fin à l’événement en 2018 ?
Après dix ans, nous avons constaté que le monde de la gastronomie avait profondément changé. À ses débuts, Culinaria permettait aux chefs de gagner en visibilité et de se faire connaître du grand public. Aujourd’hui, avec la montée en puissance des réseaux sociaux et des émissions télévisées comme Top Chef, les chefs sont devenus des figures publiques, voire des célébrités. Leur disponibilité a évolué et leur participation aux événements est désormais soumise à des contraintes financières et organisationnelles différentes. Un autre facteur a été la transformation du sponsoring. Pendant plusieurs années, nous avons pu compter sur des soutiens importants pour financer l’événement, mais les budgets des marques et des partenaires ont diminué. Organiser un événement de cette ampleur demandait des ressources considérables, et nous ne voulions pas faire « l’édition de trop ». Nous avons donc pris la décision d’arrêter sur une dernière édition en 2018, qui a été l’une des plus abouties.
Après six ans d’absence, pourquoi avez-vous décidé de relancer Culinaria ?
Ce retour n’était pas prévu. Après 2018, nous avons exploré d’autres formats et organisé des événements gastronomiques sous d’autres noms, mais sans remettre Culinaria au premier plan. L’idée est venue à la suite d’un projet organisé en 2022, Table 58, un restaurant éphémère sur le toit du Palais du Heysel. Parmi les convives se trouvait François Pinchart, directeur de Rob – The Gourmets’ Market. Cette expérience lui a donné une idée et il m’a proposé de découvrir un lieu exceptionnel situé au sein même de Rob, jamais exploité auparavant. Nous avons pris le temps de réfléchir à la manière dont nous pourrions utiliser cet espace et proposer une expérience totalement inédite. Si Culinaria devait revenir, ce ne pouvait pas être sous la même forme qu’avant.

Les événements gastronomiques sont parfois déceptifs, notamment lorsque des chefs étoilés sont invités à cuisiner en dehors de leur restaurant sans avoir les mêmes moyens qu’en cuisine. Comment avez-vous abordé cette question ?
Je partage totalement ce constat. Il est vrai que dans de nombreux événements, les chefs sont contraints par des coûts alimentaires serrés, des moyens techniques limités et un service qui ne reflète pas ce qu’ils proposent dans leur propre établissement. Cela crée un décalage entre l’attente du public et l’expérience réellement proposée. C’est précisément pour cette raison que nous avons décidé de refondre complètement Culinaria. Plutôt que de reproduire un festival où l’on enchaîne les plats sur un mode semi-industriel, nous avons voulu concevoir un événement où la qualité de l’expérience serait la priorité absolue. Ici, les chefs travailleront dans des conditions optimales, avec des produits de premier choix et un environnement qui leur permettra d’exprimer pleinement leur talent.
Pourquoi avoir mis en place un système de chefs résidents ?
Nous nous sommes inspirés du fonctionnement des boîtes de nuit. Quand le DJ résident d’une boîte de nuit doit répondre à des obligations ailleurs, il a la responsabilité de trouver un remplaçant qui plaira à la clientèle de la discothèque. C’est comme ça que nous fonctionnons avec San Degeimbre (L’air du Temps**), Christophe Hardiquest (Menssa*) et Willem Hiele (Restaurant Willem Hiele*). Tous ne seront pas là tous les soirs, mais nous nous engageons à toujours avoir parmi les 4 chefs présents (un par service, sans compter le fromage) au moins 2 chefs réputés (souvent étoilés), un chef aguerri et un chef émergent qui incarne le futur de la gastronomie. Des chefs dont vous pourrez dire que vous les aurez dégustés avant tout le monde à Culinaria. Ces chefs invités ont été choisis par les chefs résidents. Chaque chef signera une assiette. Ce qui signifie qu’à presque chaque date, les menus évolueront en fonction du line-up. Les participants seront informés de la composition du line-up du jour de leur réservation 8 jours à l’avance.
Comment avez-vous choisi les chefs résidents ?
Culinaria se voulant être une manifestation belge, il était important pour nous que nos chefs résidents représentent le pays entier. C’est pourquoi nous avons décidé d’en choisir un Wallon (San Degeimbre), un Flamand (Willem Hiele) et un Bruxellois (Christophe Hardiquest). Christophe était dans une situation où il revenait à Bruxelles après avoir arrêté Bon Bon**, lancé Menssa*, parti en France (à la Mère Germaine*, ndlr), puis puis revenu en lançant Le Petit Bon Bon au Corinthia… Je salue d’ailleurs l’audace et le courage qu’il a chaque fois de se réinventer. Cela prouve toute la profondeur de sa cuisine… bref, il cherchait des défis et notre proposition tombait bien. San est vraiment un des plus fidèles amis de Culinaria et, à titre personnel, je pense que c’est l’un des tous meilleurs chefs de notre pays et qui mériterait d’être mieux récompensé par les guides culinaires. Quant à Willem, ce sont Christophe et San qui l’ont suggéré. Tous les deux aiment sa folie, son côté iconoclaste et la liberté de sa cuisine. Mais finalement, ce qui les rassemble, c’est aussi leur entente ! Ce sont des copains qui se retrouvent sur bien d’autres aspects que leur cuisine. Cela facilite évidemment l’alchimie du menu et de l’événement.

Comment se déroule une soirée Culinaria ?
Les invités seront accueillis avec une flûte de champagne Perrier-Jouët, une maison prestigieuse rarement présente dans ce type d’événements. Ils auront ensuite accès aux coulisses de Rob, un espace normalement fermé au public, où ils seront guidés vers un monte-charge. Un groom les accompagnera jusqu’à la salle où se déroulera la soirée. La première partie de l’expérience sera l’Apéritif Market, un moment de dégustation où seront mis à l’honneur les produits d’exception sourcés par Rob. Cet espace mettra en avant les meilleurs fournisseurs et artisans du marché. Le dîner lui-même se déroulera dans un cadre raffiné, avec un pass cuisine de dix mètres de long, permettant aux convives de voir les chefs travailler en direct. Le service sera soigné, avec du mobilier Ethnicraft et une vaisselle Serax, rappelant les plus belles tables gastronomiques du pays. Les accords mets-vins seront élaborés avec la cave de Rob, et les bouteilles seront proposées au prix boutique, sans droit de bouchon. Enfin, la soirée se conclura par l’After Dîner, un moment convivial où les convives pourront prolonger leur expérience autour d’un dernier verre ou d’un café, sans pression de départ immédiat.
Culinaria, est-ce un produit ou une marque ?
Au début, c’était simplement le nom d’un événement. Assez vite, nous avons réalisé que Culinaria dépasse le simple cadre d’un événement annuel. Notre reconnaissance allait au-delà de notre public. Alors certes, ils ne savaient pas l’expliquer concrètement, mais ils s’accordaient pour dire que c’était un événement avec des grands chefs. Et c’est là qu’on s’est dit qu’on pourrait travailler Culinaria comme une marque. Relancer Culinaria après six ans était un pari, mais les premières réactions montrent un fort engouement. Nous avons voulu prendre le temps d’imaginer une nouvelle version qui corresponde aux attentes actuelles des convives et des chefs, et qui permette d’écrire un nouveau chapitre dans l’histoire de la gastronomie événementielle en Belgique.