« Ce n’est pas légal, mais vous pouvez quand même le faire… » C’est en résumé l’arrêt, jugé surréaliste par les requérants, rendu le 16 janvier dernier sur plus de 30 pages par la Cour constitutionnelle concernant le permis d’urbanisme visant la déconstruction-reconstruction par la STIB du Palais du Midi.
L’ARAU et IEB, rejoints par des habitants et commerçants du quartier Stalingrad, avaient introduit il y a un an un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle à l’encontre de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 5 octobre 2023 «instituant une procédure d’instruction spécifique d’une demande de permis d’urbanisme relative à la déconstruction de l’intérieur du Palais du Midi et à la modification du permis délivré le 24 mai 2029». La Cour constitutionnelle vient donc d’annuler cette ordonnance, surnommée «Fast track»… mais a dans le même temps décidé de maintenir ses effets. en se référant à la loi spéciale du 6/01/1989 (art.8-alinéa 3).
Annulation…
Comme l’y invitaient les requérants, La Cour constitutionnelle juge que l’ordonnance attaquée crée une différence de traitement injustifiée entre la STIB et le demandeur de permis lambda ou, pour le dire autrement, qu’elle est discriminatoire à l’égard de ce dernier : « S’il est vrai que les caractéristiques du projet concerné par l’ordonnance attaquée sont exceptionnelles, elles ne sont pas pour autant uniques en leur genre et elles ne justifient dès lors pas la mise en place d’un régime applicable à une autorisation administrative pour un projet particulier. En effet, d’autres projets répondant à des impératifs d’intérêt général sont susceptibles de concerner un nombre de personnes élevé et, en cas de retard ou de blocages dans l’aboutissement du chantier, d’affecter lourdement l’espace public local et la mobilité de plusieurs quartiers».
… mais autorisation
La Cour a donc néanmoins décidé de maintenir les effets de l’ordonnance pourtant annulée. Sa motivation qui fonde ce maintien en l’état: «Tenir compte des lourdes conséquences de l’arrêt du chantier sur l’espace public local et sur la mobilité (…), des conséquences budgétaires et du temps nécessaire pour que le législateur ordonnanciel réexamine l’opportunité de mettre en place un régime dérogatoire (…)». L’instruction de la demande de permis relative à la démolition de l’intérieur du Palais du Midi peut donc se poursuivre selon la procédure rapide mise en place par l’ordonnance Fast track: la STIB peut déposer sa demande de permis, étant entendu que celle-ci doit être accompagnée d’une étude d’incidences sur l’environnement et faire l’objet d’une enquête publique.
On s’en doute, cette décision a eu le don de faire réagir les requérants, confortés dans leur travail de vigilance et leur analyse des failles de procédures clairement et objectivement confirmées. « Nous persévérerons donc d’autant plus dans nos critiques du projet à l’occasion de la future enquête publique car le permis de démolition est encore loin d’être octroyé et le Palais du Midi est encore debout! », lancent de concert les organisations qui portaient le recours en annulation, gageant qu’à l’avenir « le législateur réfléchira à deux fois avant d’instaurer une procédure spécifique pour un projet particulier, quelle que soit son ampleur ».