Claire Munck dirige le premier réseau belge de Business Angels. Entre avant-garde et conviction, la dirigeante raconte son activité d’opérateur économique.
Avant le Covid, Claire Munck allait chaque année à la conférence américaine des Business Angels. Le Covid a fait changer les habitudes et aujourd’hui, la dirigeante reconnaît que c’est pourtant la vue « macro » qui l’a amenée à proposer des innovations.
« Il faut de l’argent pour pouvoir faire les choses et il faut du temps pour pouvoir les mener à bien. » Si l’économie est la gestion de la rareté, alors la véritable richesse est celle du temps…, médite-t-elle. « Je pense avoir fait preuve de conviction pour amener BeAngels là où elle est maintenant. On a de l’avance dans un marché où les classes d’actifs ne sont pas monnaie courante. » Elle admet avoir travaillé sur son lâcher-prise « Il y a 10 ans, je pouvais avoir des réactions épidermiques. Aujourd’hui, je relativise et j’essaie surtout de trouver des solutions ». Elle mise de plus sur son équilibre vie privée vie professionnelle. « Au début, on se met beaucoup trop la pression. Puis, on comprend que n’est pas parce qu’on n’envoie pas son mail le vendredi à 20h30 que la terre s’arrêtera de tourner. » Le secteur demande toutefois performance et disponibilité.
BeAngels se voit comme un opérateur de développement économique qui vise à créer de la valeur pour le tissu local. « Je pense que cela impacte la façon dont je gère l’activité de réseau. On veut faire tomber les murs et faire travailler les acteurs ensemble. »
Cette vision les pousse à mesurer l’impact de façon globale : le taux de survie des sociétés financées, le nombre d’emplois créés, la valeur ajoutée économique en plus du retour sur investissement pour les investisseurs privés. « Je suis touchée par les histoires derrière chaque entreprise et singulièrement celles qui sont résilientes, ceux qui passent à travers le murs. J’admire les entrepreneurs pour leur façon de gérer l’adversité tout en respectant leurs valeurs. » L’honnêteté de reconnaître que quelque chose ne s’est pas passé comme prévu afin de mieux adresser les difficultés est capital. « L’argent se trouve. Ce que nous proposons, c’est l’approche réseau, le soutien à l’entreprise. Les investisseurs cherchent aussi à être en contact avec une aventure humaine et à faire partie d’une communauté. »
Impact et convictions sont mêlés et ouvrent des perspectives plus larges « On assiste à une tendance de vouloir faire rentrer les investissements dans des cases : climat, social…Non seulement l’écosystème n’est pas encore assez mature, mais nécessite aussi des fonds gigantesques pour le financement, au niveau européen. Il n’y pas encore suffisamment de bons dossiers. Je trouve que la notion d’impact a tendance à devenir très vite restrictive alors qu’elle est très large et presque personnelle ». La surcharge administrative et les exigences envers les entreprises sont souvent hors sol par rapport à leur réalité, pointe-t-elle.
« L’Angel investing peut devenir une classe d’actifs qui peut répondre à beaucoup de besoins », assure-t-elle. « Ce ne sont ‘que’ 8 millions investis l’année passée pour environ 30 millions levés au total par les entreprises, ce qui est à la fois énorme pour un réseau de business angels mais très peu par rapport aux 300 milliards qui dorment sur les comptes épargne. Quand je vois tous ces entrepreneurs qui n’ont plus accès à du prêt bancaire même en phase de croissance et ont besoin de fonds propres, je sais qu’on a un rôle à jouer. » A la clé, la promesse d’investir de manière beaucoup plus soutenue sur plusieurs phases de développement, et avec beaucoup plus de de conviction et de sens. « J’aspire à ce que le business angeling devienne une alternative d’ investissement comme un autre. »
Dans le cadre d’un programme européen, « 94% des femmes interrogées en capacité d’investir n’avaient jamais entendu parler de la possibilité d’être Business Angel », s’étonne-t-elle. La perception d’un investissement risqué face à un profil d’investissement considéré comme plus défensif contribue, mais pas autant que la connaissance des intermédiaires comme les gestionnaires de patrimoine qui n’évoquent pas assez la possibilité de devenir business angel.
« Il ne faut pas être milliardaire. On peut commencer avec des petits tickets et expliquer l’impact personnel et collectif de la démarche, en plus de l’incitant fiscal. BeAngels a créé une série d’options d’investissement qui peuvent s’adapter à tous types de profils de stratégie d’investissement, de disponibilité en patrimoine et en temps. »
Les profils d’investisseurs ont aussi été renouvelés afin d’être le reflet de ce qu’on rencontre dans la société en général. « Sinon, c’est une bulle. Toutes les études le montrent, plus on a de diversité, plus on a de réussite. » Certes plus de femmes, mais aussi plus de jeunes, des profils issus de tous horizons qui sont autant d’atouts pour les porteurs de projet.
BeAngels active son développement au sein du territoire, avec un déploiement en Flandre il y a deux ans et un lancement au Luxembourg il y a un peu plus de deux ans. « Nous souhaitons renforcer notre écosystème en regroupant des investisseurs sur des dossiers ou portefeuilles à travers des SPV (Special Purpose Vehicle). Nous lançons notre troisième fond pour les projets qui passent de la start Up à la scale Up, jusqu’à 30 millions d’euros. »