Avocate engagée, Carine Doutrelepont est aussi photographe. Elle expose « Brûlures » à La Boverie et publie un livre : Éphémère.
Avocate et professeure de droit, Carine Doutrelepont est aussi devenue photographe en une dizaine d’années. « J’y suis venue par goût du bonheur, en cherchant ce qui me rendrait heureuse. Dans mon métier d’avocate ou de professeure, je défends des valeurs, liberté d’expression, non-discrimination, etc. Cela me passionne, mais le partage des émotions me manquait. La photo prolonge cet engagement : à travers ces rencontres et ces captations d’images, je montre la diversité, la pluralité, l’équité. » Sa photo est devenue une manière de vivre l’instant et de le transmettre.
Cette démarche est d’abord née d’une imprégnation paternelle. « Mon père, passionné de pierre et de géologie, est devenu archéologue à un âge où d’autres songent à la retraite. Son amour de l’histoire, de la terre m’a imprégnée d’un sentiment d’appartenance à la nature. » La poésie a été son autre source propre : « ayant publié dans des revues de poésie, je suis venue à la photographie par l’écriture, pour traduire émotions et sensations de la couleur qui échappent aux mots ».
Elle s’est initiée au contact de photographes d’exception, « notamment Tom Kualii à Hawaï, Christophe Courteau ou de grands photographes indiens, maîtres de la photo de rue. Je tiens à capter l’instant très rapidement et ils ont cette rapidité ». Autodidacte, elle s’est formée pour d’obtenir la carte professionnelle lui donnant accès à des moments réservés, par exemple le survol d’éruptions volcaniques. Elle travaille au Leica (très utilisé dans la section Eclipse), la transition des lumières très douce se prêtant bien aux photos prises en fin de journée, autour des cycles de vie et de mort. Ses photos de foule sont souvent prises au Fuji : « le capteur puissant, le grand nombre de pixels permettent de très grands formats à la belle densité de matière, y compris en basse lumière, ou en photo aérienne ».
Spiritualité
« Je recherche la spiritualité des traditions anciennes et des sites naturels, à travers des événements qui les relient, comme en Inde polythéiste les fêtes de Diwali ou à Goma, lors d’une éruption, je relie les humains et la nature. L’image est un voyage intérieur où l’on ne fait qu’un avec cette nature, vers laquelle tout retourne. » Ainsi, dans l’exposition, en Inde, les scènes funéraires montrent des morts entourés par cette nature, une communion des signes de renouveau et de renaissance propres aux cycles de vie et mort. Cette fusion des images de volcans et de fêtes offre une mise en résonance des faits de nature et des événements humains, de l’inanimé et de l’animé. « Les terres volcaniques sont très mouvantes, comme les communautés humaines, et j’y ai cherché la fusion et l’effusion », qui sont autant de brûlures.
Elle entre parfois au contact de groupes humains paradoxaux : ainsi, des villages presque abandonnés au Ladakh, ou « en Inde, les hijras, ces hommes-femmes marginalisés » : lors d’une fête qui les réunit chaque année à la pleine lune, fin avril, dans le village de Koovagam, au sud de Madras, il revivent un épisode du Mahâbhârata, « et attirent les foules ». Elle retourne à plusieurs reprises au même endroit, vit parfois sur place : « j’ai souvent un guide, mais au Pendjab j’étais seule. J’entre discrètement dans les habitudes, les rêves, les envies ».
Brûlures
La Boverie
Jusqu’au 11 novembre