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Adelaïde Charlier, 30 under 30: « Un prix pour tous les jeunes qui s’engagent »

Adelaïde Charlier s’est faite connaître du grand public en Belgique francophone en 2019, lors des premières grèves pour le climat en Belgique, alors qu’elle était encore en secondaire. Elle est alors devenue LE visage de la jeunesse qui s’engage. Âgée de 24 ans, cette Namuroise d’origine a passé une partie de sa jeunesse comme expatriée au Vietnam avant de revenir en Belgique. Elle a terminé ses études l’été dernier, après trois ans d’études politiques à la VUB et une année en master en gouvernance et politique européenne au Collège d’Europe de Bruges. Des études qu’elle a menées en parallèle à son activisme et qu’elles complétaient car elles lui ont appris à comprendre les institutions qu’elle pointait du doigt. Toujours en plein questionnement sur son futur professionnel, elle a cependant décidé de prendre ses distances avec Youth For Climate Belgium, le mouvement des jeunes pour le climat qu’elle avait co-fondé. Elle a créé son ASBL « The Bridge » qui a comme objectif de faire le pont entre les jeunes à travers l’Europe et les institutions politiques pour toutes les politiques liées à l’environnement. 
 
 Comment la jeune Adelaïde Charlier est-elle devenue l’activiste que l’on connait aujourd’hui ? 
 
Il y a tout d’abord eu un processus inconscient qui a influencé la jeune Adélaïde pour qu’elle soit touchée et très sensible aux questions du dérèglement climatique et des droits humains. Au point que c’était logique pour moi, en dernière année secondaire de rejoindre les jeunes Flamands qui avaient décidé d’organiser la première grève pour le climat en Belgique. J’étais consciente des risques, de l’urgence. Mais j’étais persuadée que le monde des « adultes » gérait le problème et que, si c’était vraiment une des crises qui menaçait le plus l’humanité, il était au sommet des priorités de tous les décideurs. 
 
Et ce n’était pas le cas? 
 
Non. Il y avait Greta Thunberg, la jeune militante suédoise, qui a lancé sa grève pour le climat en août 2018. Et le ministre français de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot qui a démissionné à la fin de ce même mois en expliquant que, malgré son poste, il n’avait pas assez de pouvoir pour faire changer les choses face au dérèglement climatique. En fait, il y a eu plein des grands événements en 2018 qui ont fait écho aux jeunes pour nous signaler que la situation n’était pas du tout gérée, malgré les experts qui continuaient à alerter. 
 
Vous vous retrouvez alors soudainement propulsée comme activiste… 
 
Les premières actions pour le climat étaient organisées par des jeunes Flamands, qui voulaient lancer une mobilisation nationale. Je me suis alors dit que je pouvais leur donner un coup de main pour une action, les aider pour la prochaine grève début 2019. En deux jours, j’ai mobilisé un maximum de jeunes à travers des votes et, le jour J, je monte dans le train plutôt que dans le bus pour l’école, direction la capitale avec des centaines d’autres jeunes. Une fois arrivée à la gare Centrale, j’apprends que je vais devoir gérer toute la communication francophone autour de l’événement. Or c’était le jour de la plus grande mobilisation des jeunes pour le climat: 30.000 jeunes à Bruxelles, 40.000 en Belgique… C’était énorme! Même la police était surprise. Ça fait la une des journaux, pas seulement en Belgique, mais aussi en France, parce qu’on était vraiment le premier pays européen à lancer une telle grève après Greta. Je n’aurais jamais imaginé devoir tenir ce rôle. Et ça m’a propulsé dans une responsabilité colossale de pouvoir défendre les revendications de ces jeunes. 
 
C’est donc un jour important pour vous ? 
 
Le soir de ce jour-là symbolise le ‘shift’ qu’il y a eu en moi. J’ai décidé de prendre cette responsabilité à fond et de me libérer pour une interview en télé plutôt que d’aller à un événement de famille. J’ai cru que ça allait être un « one shot » mais la responsabilité n’a fait que grandir. Depuis cette grève, je me suis donnée la responsabilité et l’objectif de garder ce mouvement en vie, de garder la mobilisation des jeunes et surtout d’offrir la possibilité aux jeunes citoyens de se mobiliser, de trouver des outils, de comprendre les outils démocratiques et de pouvoir les utiliser pour se faire entendre dans des espaces qui ne sont pas simples. Et donc ça fait cinq ans que je travaille là-dessus. Et quand on voit l’impact qu’on peut avoir, c’est aussi impossible de s’arrêter. 
 
Comment avez-vous vécu la distinction de Forbes 30 under 30 ? 
 
J’ai été très surprise et très touchée. Je ne pouvais jamais imaginer que l’activisme pouvait être perçu comme quelque chose de positif dans l’œil d’autres car c’est souvent perçu assez négativement. Ça a été une reconnaissance qui dépassait mon individualité. Quelle chance d’avoir eu cette reconnaissance pour les milliers de jeunes avec qui je travaille quotidiennement. Quelle force de la part de Forbes de pouvoir voir le travail qu’on fait, l’importance de ce collectif! Cela m’a vraiment touchée parce que c’est rare. On peut voir des avancées mais on parle ici de mouvements sociaux, de dynamiques qu’on essaye d’installer dans la société en allant dans un narratif très très large. On ne sait donc pas à quel point on a joué un rôle dans ce qui se passe autour de nous. Cela nous a en tous les cas redonné un boost pour les prochaines années, ça nous permettra de garder la tête haute et de se dire qu’il faut continuer à avancer et que l’on fait partie de l’histoire. En remettant ce prix, Forbes n’a pas seulement choisi Adelaïde Charlier, mais surtout tous les jeunes à travers le monde, à travers l’Europe et surtout ici en Belgique, qui prennent le courage de s’engager et de faire des choses qui les dépassent complètement.
 
Est-ce que ce prix pourrait avoir un impact pour Adélaïde Charlier ou pour le pour le mouvement des jeunes pour le climat?
 
Ce prix de Forbes, c’est un renforcement de la légitimité, de la place qu’on prend en société. Je l’ai d’ailleurs déjà ressenti ces derniers mois en allant à des événements. On s’intéresse à la question de l’activisme. Il y a aussi l’intérêt pour le travail que l’on fait, qui est très souvent dans l’ombre. En à peine un mois, on a enchaîné des émissions et plateformes pour mettre en avant le travail d’une jeunesse qui s’engage. C’est colossal! Et ça ne peut que continuer à avoir un impact pour nous. On peut ouvrir des portes qu’on n’aurait jamais imaginé pouvoir ouvrir.
 
Ce prix peut-il dès lors vous pousser à persévérer dans cette voie? 
 
Je suis tout à fait d’accord. Et vous avez dit le mot persévérer. Et c’est ce qui a été répété de multiples fois durant la soirée des Forbes 30 under 30. Je pense qu’on partage tous la persévérance, qui est nécessaire. Dans un moment de questionnement et de doute comme je le suis, on a besoin de personnes qui croient en nous pour pouvoir continuer à croire en elles. Ce prix arrive au bon moment. Cette année était l’année où j’en avais besoin. J’aurais évidemment aimé ne pas devoir être activiste comme métier. C’est dommage, évidemment, et ça me déchire. Mais là, je me dis « OK, on persévère, on ne lâche pas et on lutte, on se questionne, on se demande ce qui est mieux ». Mais les questions que je me pose aujourd’hui sont les bonnes: comment vais-je continuer à avoir encore plus d’impact ? Comment est-ce qu’on le traduit de façon à ce que je puisse dédier tous les jours de ma vie à ça? Comment lancer des projets encore plus grands, encore plus fous? C’est très très excitant. Et donc que Forbes arrive maintenant, fin 2024, au moment où je pose ces questions, c’est un véritable « booster ». En fait, maintenant, il n’y a plus rien qui nous arrête! J’ai très hâte de continuer à répondre à toutes ces questions! 

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