Il devait être la locomotive de l’important projet mixte lancé sur le site désaffecté des forges de Clabecq. Mais depuis plus de dix ans, le Tubize Outlet Mall reste un vœu pieux.
Sur papier, l’ambitieux projet commercial tubizien, baptisé TOM pour les intimes, prétendait devenir ni plus ni moins le premier outlet mall autoproclamé de la capitale bruxelloise, brassant en puissance une zone de chalandise comparable à celle du Maasmechelen Village. Il devait aussi devenir dès 2024 la motrice «douce» d’un nouveau quartier urbain multifonctionnel logé au cœur d’une vaste friche industrielle de deux kilomètres de long sur un de large. Mais la motrice se fait cruellement attendre.
Pourtant, idéalement situé en entrée de ville en bord de canal «à se réapproprier», le site visé s’est rapidement vu doter par les porteurs du projet, réunis au sein d’un partenariat public-privé, d’un Master Plan ambitieux, approuvé par le conseil communal dès 2013. Et aux côtés de la branche wallonne du groupe Duferco, principal propriétaire du site de quelque 80 hectares à reconvertir, apparaissait ensuite discrètement la holding française Samfi-Invest pilotée par le roi normand du transport Alain Samson (Groupe Malherbe, C.A. 405 millions d’euros) devenue en janvier 2021 pleine propriétaire de la parcelle centrale de 11 hectares pour y développer à grands frais le futur centre de marques.
En première ligne, c’est surtout Pascal Seret (DCI), un homme d’affaires belge domicilié à Monaco, co-actionnaire minoritaire par le biais de son épouse, Céline Locquegnies, qui intrigue et communique alors urbi et orbi comme s’il était à la manoeuvre. Entre 2021 et 2023, ce dernier multiplie sans compter les opérations ‘séduction’ pour faire miroiter les futurs contours du projet. Notamment au Mapic à Cannes, le rendez-vous international des professionnels de l’immobilier commercial, où TOM orne la façade du Palais des Festivals à deux reprises et où les équipes commerciales atypiques, dont celle de StartConcept.group, se succèdent et annoncent avoir loué sur plan plus de 50% (sous conditions) des 82 surfaces disponibles (14.000 m2), notamment avec 25 enseignes de renom, dont Nike, Levi Strauss & Co ou Boss.
Turbulences de la cave au grenier
Mais depuis, quasi tout est parti en sucette. Le projet de contournement du site confié à la Sofico, qui devait assurer la mobilité dans et autour du nouveau quartier, est reporté à plusieurs reprises, échaudant les riverains et les partenaires. Sans ces voiries financées par la tutelle régionale, impossible d’assurer la viabilité du projet commercial aux enseignes présentes. L’échéance la plus optimiste, fixée à 2028, doit encore être revue avec le nouvel attelage gouvernemental sorti des urnes, dont les priorités budgétaires sont surtout de réduire drastiquement les dépenses en la matière. Le changement de couleur politique à la commune de Tubize pourrait toutefois faciliter les choses, Michel Januth, le maïeur PS qui avait initié le projet, ayant été remplacé par Samuel d’Orazio (MR) lors des dernières élections.
Début 2024, le chantier était d’ailleurs stoppé. Puis en septembre dernier, Céline Locquegnies et son turbulent et dispendieux mari étaient poussés vers la sortie par l’actionnaire principal et remplacés par un nouveau partenaire belge: Joseph « Pepe » Strazzante, un ancien syndicaliste wallon reconverti en entrepreneur spécialisé dans la reprise d’entreprises en difficulté (dont Wallglass) et appelé à endosser le rôle de facilitateur et d’intermédiaire, notamment avec les partenaires publics, pour relancer le projet commercial et le chantier.
A cet effet, une publication au Moniteur belge parue en septembre dernier nous apprend que la société Tubize Outlet Mall (SRL) a été recapitalisée à hauteur de 1,9 million d’euros et qu’Alain Samson est officiellement domicilié à Fleurus. Dans les livres de comptes annuels publiés fin 2023, le dernier bilan en date affichait une valeur nette comptable de 65,5 millions d’euros (immobilisations et acomptes versés) pour un budget total évalué en 2023 à quelque 160 millions d’euros.
Outlet or not outlet?
Aux dernières nouvelles -à mettre au conditionnel-, les principaux intéressés, très taiseux, prévoyaient de réduire le nombre de magasins discount et d’augmenter le nombre de magasins de sport dans le centre commercial. Mais le nouveau responsable de la communication, interrogé à plusieurs reprises à ce sujet, reste bien laconique. Et plus d’un expert du marché -notamment les courtiers les plus introduits auprès des enseignes internationales-, rappellent les tristes précédents du défunt Uplace (Machelen) ou de l’éternelle endormie Mall of Europe (NEO, Heysel), certains n’hésitant plus à remettre carrément en question l’équation financière initiale de TOM, de son boulevard urbain, ses jardins en terrasses et ses 90% (1.100 places) de parking en sous-sol.
Les futures phases de développement de logements neufs (573 appartements au total) prévues dès le Master Plan, dont certaines sont déjà sorties de terre et ont été commercialisées, sont boudées par les professionnels les plus prudents qui disent vouloir conditionner leur investissement au lancement confirmé du centre commercial. Dans les quartiers résidentiels à l’entour, les nouveaux propriétaires et locataires se demandent si cette locomotive commerciale, sportive et de loisirs (6.000 m2), vantée sur les dépliants en papier glacé et qui devait se loger sur leur seuil, entrera un jour en gare.