A l’initiative de John Van Wassenhove, les Bains de Spa sortent enfin de la léthargie dans laquelle ils étaient plongés depuis plus de 20 ans. Ce patrimoine wallon exceptionnel, lentement restauré et augmenté, hébergera un ambitieux complexe hôtelier et gastronomique.
Situés en plein cœur de ville et inaugurés en août 1868 au terme de cinq ans de chantier, les anciens thermes de Spa -appelés aussi Bains de Spa- font partie du patrimoine exceptionnel de la Région wallonne depuis 2016 et du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2021. Construit en style renaissance sur les plans de l’architecte Léon Suys, concepteur notamment du voûtement de la Senne et du tracé des boulevards du centre de Bruxelles, (1865-1871), l’ensemble hydrothérapique spadois, de classe mondiale à l’époque, coûta la bagatelle de 1,5 million de francs belges d’alors. Charles-Henri Thorelle fut chargé de la taille et de la sculpture des pierres de France. Les statues de la façade et des côtés sont les œuvres de Jacques Van Omberg et des frères Van Den Kerkhove. Le vestibule d’entrée et les salons de repos (voir photos) ont été décorés par le peintre Carpey.
À l’origine, le complexe thermal comptait 52 cabines de bains avec 54 baignoires (certaines en cuivre et en marbre), deux salles de grandes douches à forte pression, deux grandes salles de douches ordinaires et hydrothérapiques avec bassin d’immersion, deux salles d’hydrothérapie proprement dite, deux salles pour douches en cercle, douches de siège et pour bains de pieds à eau courante ainsi que deux plongeons. Par la suite, de nombreuses modifications furent opérées pour remettre l’établissement aux goûts de la clientèle internationale. Il enregistrait encore, un siècle après son ouverture en 1967, jusqu’à 167.182 opérations thermales sur base annuelle.
Rayonnement artistique mondial
«Ici, on apprend que l’eau a le pouvoir de guérir les blessures de la vie et d’apaiser les souvenirs» James Joyce
Rapidement, le lieu attira les artistes du monde entier, avec la musique comme trame bien avant les Francofolies. Dès le XIXe siècle, Giuseppe Verdi, Gustav Mahler ou Igor Stravinsky y séjournaient régulièrement. Bien plus tard, John Lennon ou David Bowie y firent plusieurs visites ressourçantes. Cette magie créative ne se limita pas à la sphère musicale: Pablo Picasso ou Salvador Dalí trouvèrent dans la ville thermale wallonne une ambiance propice à leurs imaginaires féconds. Et des plumes aussi légendaires que celles de Simone de Beauvoir, d’Agatha Christie, d’Henry Miller, de James Joyce ou d’Albert Camus s’y laissèrent également inspirer.
«Spa est l’endroit idéal pour rêver et écouter la musique de la vie» John Lennon
Pourtant, après 135 années de fonctionnement, l’établissement vieillissant ferma ses portes et ses installations thermales très usées en 2003, remplacé depuis par un établissement plus fonctionnel et rentable planté sur la colline d’Annette et Lubin. Dix ans plus tard, au vu de l’état général de délabrement progressif de l’ensemble historique -la mérule frappant à la porte-, il était plus que temps, pour sauver ce fleuron chargé d’histoire de penser à lui offrir un solide bain de jouvence. Mais qui d’autre qu’un mécène privé un peu fou pouvait oser sans trop compter l’aventure de rénover dans les règles de l’art et redonner vie à l’établissement laissé à l’abandon?
«À Spa, je trouve la tranquillité nécessaire pour entendre les mélodies de la vie. C’est un lieu où la créativité s’épanouit grâce aux pouvoirs réparateurs de la nature» David Bowie
Défi architectural et commercial de taille
C’est le défi qu’a relevé dès 2013 Johan Van Wassenhove, le patron de l’entreprise Denys, et les partenaires qu’il a réunis autour d’un projet commun: celui de réanimer les murs lentement restaurés et d’y relancer l’activité commerciale originelle par le biais d’un projet immobilier complet incluant hôtel de luxe, restaurant de 80 places assises, spa avec centre de revalidation, parking et conciergerie automobile privée ultra-sécurisée et confidentielle, baptisée The Paddock, dédiée aux automobiles de prestige et de collection sur le seuil du circuit de Francorchamps tout proche.
L’ensemble visera à «remettre Spa au centre de la carte des destinations chics et glamours», assure Jérémy Quélin, le futur exploitant des lieux. «Réhabiliter un tel monument ne pouvait se faire sans coup de cœur, mais avec sérieux. Cette mission périlleuse a été naturellement confiée à l’architecte Barbara Van Der Wee, référence en matière de restauration et de reconversion des sites et bâtiments historiques des XIXe et XXe siècles», insiste Johan Van Wassenhove, le nouveau propriétaire des lieux.
Après dix années de travail acharné mené en partenariat avec les autorités de la ville de Spa, mais aussi avec le savoir-faire d’artistes et d’historiens passionnés, le projet arrive aujourd’hui à son terme. Et l’hôtel d’exception va ouvrir ses portes tout prochainement. Il affichera deux identités distinctes baptisées Héritage et Néo. La première (les anciens thermes) offrira 43 chambres et suites spacieuses (de 20 à 50 m²) équipées de bains balnéo ou de baignoire en cuivre; la seconde, logée dans un nouveau bâtiment contemporain, disposera de 54 chambres et suites (22 à 40 m²) équipées elles aussi de bains balnéo ou de baignoires en cuivre restaurées.
Le volet Wellness qui était l’ADN historique du lieu n’a pas été oublié: un spa de 1.300 m² accessible aux clients de l’hôtel et aux visiteurs extérieurs incluera une piscine, sept cabines de soins (dont deux cabines double VIP agrémentées de baignoires en cuivre), deux saunas dont un finlandais, un bain à remous, un bain romain, un mur de sel, une fontaine à glace, une cabine infrarouge et, bien sûr, une salle de repos. C’est la marque myBlend by Clarins qui a été retenue pour y proposer une gamme de soins à la carte. Un espace fitness équipé des dernières technologies de pointe viendra compléter cette offre.
Un brin d’histoire…
Saviez-vous que le terme «spa», aujourd’hui synonyme de bien-être et de soins du corps, trouve son origine dans la ville belge éponyme? Connue depuis l’Antiquité pour ses sources thermales aux vertus curatives, la cité spadoise s’est imposée dès le XVIᵉ siècle comme une destination prisée par l’aristocratie européenne, dont le tsar Pierre le Grand, qui venait y chercher repos et régénération.
C’est au cours du XIXᵉ siècle que le nom commun se répandit pour désigner où qu’ils soient des établissements proposant des bains thérapeutiques, des massages et des soins relaxants. Avec l’essor des centres de bien-être au XXᵉ siècle, le mot a progressivement été banalisé pour incarner aujourd’hui l’art de la détente thermale et tous les rituels de beauté associés, du plus professionnel au plus commercial.