Les comptes consolidés 2023 du consortium Sogefibel, la holding de l’homme d’affaires Gérald Hibert, ont enfin été publiés. Ils confirment une situation financière plus que problématique arrêtée il y a 13 mois déjà.
Le marché immobilier commercial les attendait depuis longtemps. Les comptes consolidés 2023 de la faîtière Sogefibel et de ses filiales ont enfin été publiés. Avec un retard qui en dit long pour certains. Et le rapport du Commissaire, C2 Réviseurs & Associés, qui les accompagne n’est pas tendre. On peut notamment y lire que ce dernier «n’a pas été en mesure de recueillir des éléments probants suffisants et appropriés pour fonder une opinion d’audit». Rien moins.
Dans les faits, le Groupe géré par Gérald Hibert enregistre donc des pertes récurrentes qui confirment les problèmes de trésorerie. Le bilan consolidé 2023 présentait un déséquilibre plus que préoccupant avec des dettes à court terme s’élevant à 338 millions d’euros contre des actifs courants disponibles de 76,4 millions d’euros.
Impayés
Selon un expert du marché qui a analysé dans le détail les quelque 70 pages de bilan, on peut donc dire que la SRL Sogefibel, si elle n’est pas rapidement recapitalisée, est en état de faillite virtuelle. «D’ailleurs, commente-t-il, il nous revient de plusieurs sources internes et externes que les prestataires de services du groupe GH ne sont plus payés régulièrement depuis des mois» (lire également l’article paru en date du 4/12/2024).
Cette situation de fait est d’ailleurs corroborée par le Commissaire aux comptes lui-même en page 65 de son rapport: il y est mentionné en toutes lettres que le retard important enregistré pour le dépôt des comptes annuels «est dû notamment à un différend qui a surgi au 2ème trimestre 2024 entre le Management de Sogefibel et la fiduciaire précitée concernant un arriéré de paiement relatif aux factures émises par la fiduciaire. Ce différend a perduré pendant le second semestre et jusqu’en novembre 2024, date où un accord a été conclu sur le montant de ces arriérés et sur le plan de paiement de ceux-ci».
Plus préoccupant encore, selon le même Commissaire: «Les fondements des mesures de restructuration mises en place par l’organe d’administration -à savoir l’ouverture du capital, la diversification, ainsi que le rallongement de la maturité des dettes financières, la conversion de dettes existantes ou autres éléments décrits dans le rapport de gestion- restent actuellement incertains et dépendent de décisions à prendre par des acteurs externes».
Et d’en déduire que «L’organe d’administration n’a pas été en mesure de transmettre des éléments suffisamment solides concernant l’évaluation des perspectives de continuité d’exploitation du Groupe. En effet, le rapport de gestion détaillant la position de l’organe d’administration à ce sujet est insuffisant pour justifier le principe de continuité retenu». En d’autres termes, les actifs courants ne permettent plus de couvrir les dettes à court terme depuis trop longtemps déjà.
Restructurations drastiques en cours
Pour encore tenter de sauver financièrement le groupe, Jean-Edouard Carbonnelle (CFO puis CEO de Cofinimmo de 1998 à 2018) et Erard de Becker (conseiller de Caroline de Spoelberch, héritière AB Inbev) ont été nommés temporairement administrateurs de Sogefibel aux côtés de MGS SRL (dont le représentant permanent est Gérald Hibert). Et depuis, le conseil d’administration s’attache encore et toujours à tenter de développer un plan de restructuration plus profond. Il examine notamment la faisabilité de nouvelles mesures de restructuration, dont le refinancement d’une partie de la dette bancaire existante échue et à échoir, la relance d’un programme conséquent de ventes, la création d’une structure dans laquelle seraient transférés certains actifs et dont le capital serait ouvert à des tiers voire l’ouverture du capital de Sogefibel elle-même et la conversion en capital de (solides) dettes privées existantes.
Eponger les dettes à court terme
Selon le site Les Grandes Fortunes, il n’est pas évident de savoir quels intérêts les deux administrateurs récemment nommés devaient défendre au juste. Surprise de taille: Gérald Hibert, qui doit impérativement mener à bien un lourd programme de désinvestissements pour résorber rapidement ses dettes, s’était résolu fin 2023 à capitaliser à hauteur de 261 millions d’euros sa nouvelle holding Prime Assets Capital logée à même adresse que les autres sociétés du Groupe GH. Pour ce faire, il avait apporté tous les biens immobiliers encore détenus en France et qui regroupés dans la sous-holding Sogefif. Mais il est apparu rapidement, selon la source précitée, que cette valeur totale de 261 millions d’euros avait été donnée en gage au financier immobilier britannique Trimont Europe Ltd.
Comme le constate prudemment fin 2024 le Commissaire -avec une vision officieuse sur les avatars financiers survenus depuis fin 2023-, il semble évident que la stratégie mise en place dépend intrinsèquement de l’attitude -conciliante ou non- des principaux créanciers. Le conseil d’administration, rappelle-t-il, a en effet sollicité de certaines banques belges et de certains créanciers privés un moratoire temporaire en capital et intérêts. Cette demande, prend-il le soin d’ajouter, ne concerne plus le sous-périmètre du Groupe constitué par Sogefif et ses filiales (qui possèdent la plupart des actifs français et certains actifs belges), principalement financé par un crédit senior de 455 millions d’euros à long terme et à taux fixe consenti par Allianz.
Vente forcée suivante en vue ?
Au moment où nous publions, le hic majeur pour Sogefibel et ses filiales reste que, comme déjà souligné dans les comptes annuels 2023, le moratoire et les crédits qui devaient être accordés d’urgence au sous-périmètre constitué des autres actifs belges semblent toujours aux abonnés absents. Et on sait que, depuis lors, les principales banques concernées ont fait arrêt sur les comptes et imposé la mise en vente d’une partie du portefeuille listé ci-dessous. En outre, comme le mentionne explicitement le Commissaire sans citer de chiffre précis, la valeur réelle du portefeuille (actifs immobiliers) restant a été surévaluée dans les derniers comptes consolidés. De l’ordre de quelque 200 millions d’euros, selon nos calculs. Sans plus attendre la publication des comptes consolidés 2024, on suivra donc de très près la manière dont le Conseil d’administration de la SRL Sogefibel va parvenir à gérer les affaires courantes et tenter de combler le trou financier qui se creuse irrémédiablement.