L’Astoria, qui ose prétendre au titre de Palace, a enfin rouvert ses portes le 9 décembre dernier. Propriétaires et projets de reconstruction se sont succédé derrière ses murs centenaires fermés au public depuis 2007. Une longue gestation qui se termine pour le meilleur.
En 2009 déjà, alors sous l’égide de la holding Global Hotels & Resorts qui venait de racheter les murs de l’Astoria aux propriétaires historiques, le couple belge Goossens-Bara, un projet de rénovation lourde et à grands frais était sur la table. A la manœuvre: un riche investisseur saoudien, le Sheikh Mohammed Youseef El Khereiji, affichant alors des objectifs de croissance forts, l’acquisition de deux à trois hôtels par an et un investissement total de plus de 500 millions d’euros prévu sur cinq ans. C’était sans compter sur la crise des subprimes…
Après cinq ans de mise sous cocon, c’est le groupe Corinthia Hotels (IHI Group, Malte) qui reprenait le flambeau passablement éteint. Le nouveau propriétaire des murs, Alfred Pisani, affirmait alors avoir réintroduit le dernier avenant au permis d’urbanisme unique cadrant la réhabilitation et l’agrandissement de l’hôtel selon les plans revus et corrigés de l’architecte bruxellois Francis Metzger (Ma2).
Prônant la patience et la raison, il promettait alors prudemment une réouverture à l’horizon… 2019. L’hôtel n’a finalement rouvert ses portes que le 9 décembre dernier. Et encore: le Spa vient tout juste d’accueillir ses premiers clients et l’inventaire complet des chambres et suites est promis pour le 15 mars 2025.
Reports à répétition
Comment expliquer pareils délais, au grand dam de l’architecte, des entreprises concernées par le chantier, des riverains et des commerçants du quartier? Si rien ne semblait bouger en façade de la rue Royale, les choses évoluait pourtant en veilleuse et sous le manteau, en bonne intelligence avec les autorités régionales de tutelle, nous assure-t-on. «Le bâtiment est classé. L’autorité délivrant le permis unique est donc la Commission royale des Monuments et Sites. Le permis délivré en 2009 était toujours actif pour la bonne raison que le sous-sol était pollué par une chaudière à mazout percée. Tant que la dépollution n’était pas achevée, la durée de vie normale du permis était donc suspendue. Nous en avons profité pour affiner le tir et notamment revoir les façades donnant sur la rue Royale», expliquait il y a cinq ans déjà l’architecte bruxellois Francis Metzger, alors chargé, avec GAD et Affine Design, de redessiner les lieux dans le pur respect de leur âme centenaire (1909) -verrière comprise- en y insérant au passage toutes les techniques et le confort modernes seront intégrés dans les lieux réanimés et largement agrandi par une annexe qui intégrera notamment, à gauche de l’hôtel historique, un jardin d’hiver, un bar spacieux et, en sous-sol, un business centre avec plusieurs salles de réunion.
«Nous avons pris le temps nécessaire pour réanimer dans les règles un des plus beaux palaces d’Europe. Et nous n’allons pas lésiner sur les moyens, tout comme nous l’avons fait à Londres!», promettait pour sa part Alfred Pisani*, déjà heureux de montrer en images virtuelles les différents lieux emblématiques de son futur fleuron, avec, en apothéose, la suite présidentielle de 240 mètres carrés sur deux niveaux.
Le coût total du chantier -évalué alors à 80 millions d’euros- dépasse aujourd’hui allègrement les 100 millions tant cette rénovation-extension s’est révélée interminsable et empirique malgré un gestionnaire chargé de surveiller les coûts (Widnell Europe).
90 chambres, 36 suites
Au final, ce sont 126 chambres dont la surface de certaines a été largement revue à la hausse, qui seront logées dans les étages supérieurs de l’hôtel. Au rez prendront place le long de la rue Royale plusieurs boutiques, dont un chocolatier et un fleuriste. Mais aussi le restaurant (avec entrée à rue), le bar, un barbier, un coiffeur et un cireur de chaussures. Au fond de l’hôtel, le Ballroom retrouvera son lustre d’antan. Tout comme le salon central, dont la verrière sera entièrement refaite à l’identique. Des puits de lumière, des bassins et des feux ouverts seront d’ailleurs ajoutés un peu partout. Au sous-sol, un immense spa avec piscine sera créé. Tout comme un centre de fitness. Tous les plafonds y seront voûtés à l’ancienne.
115 ans après son inauguration, l’hôtel conçu selon les plans d’Henri Van Dievoet a enfin retrouvé son Palm Court et sa verrière autrefois fréquentés par toutes les têtes couronnées d’Europe, voisin du Salon Elisabeth, l’antre du petit-déjeuner. On y ajoutera désormais deux lieux de bouche ouverts à la clientèle extérieure: la brasserie Le Petit Bon Bon (Christophe Hardiquest/Andrea Mesa) et le restaurant gastronomique Palais Royal (David Martin). Quant au bar solo Under The Stairs animé par la mixologue Hannah Van Ongevalle, il n’ouvrira qu’en février prochain.
Enfin, un concept store baptisé Coutume fera rayonner l’excellence belge en mettant en vitrine une sélection de marques locales de luxe, du prêt-à-porter à la haute joaillerie en passant par des pièces de design distinctives.
Les clients traverseront cet espace réanimé du rez avant de monter le grand escalier pour atteindre les 90 chambres, 31 suites et cinq suites signatures de l’hôtel. Conçues par GA Design, les chambres se drapent de bleu et d’or rouille tout en sublimant l’histoire des lieux.
Vaste sous-sol inédit
En sous-sol, l’ajout d’un étage nouvellement creusé sous l’hôtel offre désormais, sur plus de 1.200 mètres carrés, un Spa (Sisley) comprenant sept salles de soins privées, un hammam, un sauna, des douches sensorielles, un salon de thé et un centre de remise en forme avec entraînement personnel par l’ancien instructeur d’entraînement physique de l’armée britannique Paul Tucker.
(*) Alfred Pisani est le fondateur et le Président du Conseil d’administration de Corinthia Hotels, bras exécutif de la holding International Hotel Investments (IHI) PLC, dont la famille Pisani reste actionnaire de référence. Fondé à Malte en 1962, le Groupe Corinthia possède aujourd’hui une collection d’hôtels de standing au passé prestigieux. Il est aujourd’hui présent à Malte, Londres, Budapest, Saint-Petersbourg, Prague, Lisbonne, Dubai ou Bruxelles.